PMA-GPA : dernière croisade des réacs

Sur la procréation assistée et les mères porteuses, le débat est monopolisé par les défenseurs d’un modèle familial unique.

Ingrid Merckx  • 13 février 2014 abonné·es

Le mariage oui, la procréation non. C’est le message que semble adresser le gouvernement de François Hollande aux homosexuels. Pas question, donc, de reprendre le débat sur l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes. Pas question non plus d’entamer celui sur la gestation pour autrui (GPA). Ainsi en a décidé le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, le 3 février. « L’idée selon laquelle le gouvernement aurait un comportement contre les familles n’a pas de sens », a-t-il déclaré pour rassurer les Français inquiets d’une « familiphobie » dont serait atteint ce gouvernement depuis la loi Taubira autorisant le mariage aux couples de même sexe. La mobilisation de la Manif pour tous, redescendue dans la rue le 2 février, a payé : quelques heures après Manuel Valls, Matignon annonçait à propos de l’élargissement de la PMA : « Les travaux préparatoires doivent se poursuivre. »

« Le temps de la PMA n’est pas venu », a renchéri la ministre en charge de la Famille, Dominique Bertinotti, lorsque cette loi sur la famille qui, paradoxe, n’incluait même pas les deux épouvantails brandis a une nouvelle fois été reportée. « Dans deux ou trois ans peut-être… », a-t-elle ajouté, assurant ce faisant que le débat honni n’aurait pas lieu sous le quinquennat Hollande. À l’évidence, ce gouvernement ne se montre pas enclin à défendre un sujet qu’il a pourtant plusieurs fois inscrit au calendrier. Car la réforme de la PMA était initialement intégrée au texte du mariage pour tous, avant d’être rejetée. Dominique Bertinotti avait alors promis qu’elle figurerait dans la loi sur la famille, mais cette réforme fut ensuite écartée dans l’attente de l’avis du Comité consultatif national d’éthique. De la même manière que le mariage pour tous représentait un alignement des droits des homosexuels sur ceux des hétérosexuels, cette réforme relève du principe d’égalité des citoyens devant la loi. La PMA devait donc être élargie aux couples de femmes. En ne l’autorisant, pour l’heure, qu’aux couples hétérosexuels – mariés ou non –, la législation discrimine les couples de lesbiennes et contredit la loi sur le Pacs de 1999.

Pour la GPA, le problème diffère : il n’a jamais été question que cette pratique soit autorisée en France. L’enjeu, aujourd’hui, c’est la reconnaissance de l’état civil d’enfants de parents français issus d’une GPA à l’étranger. L’avocate Caroline Mécary a déposé deux recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, faisant valoir « l’intérêt de l’enfant ». Pour elle, le débat sur la PMA et la GPA en France est « muselé » et monopolisé par une frange conservatrice « qui veut imposer un modèle familial unique ». « Les anti-PMA sont essentialistes, poursuit-elle. Ils s’appuient sur l’état de nature alors qu’une société, c’est la nature assortie de droits. Ils alimentent surtout des fantasmes idéologiques : l’ouverture de la PMA n’entérinerait pas plus de “droit à l’enfant” pour les homos que pour les hétéros. Accorder des droits aux uns n’enlève rien aux autres et permet la coexistence de plusieurs modèles. » Le droit actuel pénalise les couples de femmes et les enfants issus d’une GPA. Et les possibilités d’adoption par les couples homosexuels mariés, ce que permet la loi Taubira, sont aujourd’hui limitées, comme pour les couples hétérosexuels. Il y a eu, en 2012, 600 adoptions de pupilles de l’État et 1 600 adoptions internationales, alors que 150 000 enfants sont placés en famille d’accueil et que la France compte 30 000 couples en attente… La loi sur la famille aurait pu débloquer la situation si elle n’avait été encore reportée au moyen de prétextes fallacieux.

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