La grogne des collectivités contre le grand marché transatlantique

Le mouvement prend de l’ampleur. Une quinzaine de collectivités, dont quatre régions, se sont jointes à l’initiative lancée en février par la région Ile-de-France.

Thierry Brun  • 21 avril 2014
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La grogne des collectivités contre le grand marché transatlantique

Les négociations en catimini autour d’un vaste marché transatlantique entre les États-Unis et l’Union européenne passent mal au sein des collectivités qui, après les élections municipales, ont multiplié les vœux et délibérations pour se déclarer « zone hors partenariat transatlantique de commerce et d’investissement » (Transatlantic Trade and investment partnership, TTIP), demander un moratoire ou un débat.

Pas moins de quatre régions sont passées à l’acte depuis que la région Ile-de-France a lancé le mouvement le 14 février en adoptant une délibération proposée par le Front de gauche (parti de gauche et Alternatifs).

Lire > La région Ile-de-France hors grand marché transatlantique

Les régions Auvergne, Ile-de-France, Limousin, Picardie et Provence-Alpes-Côte d’Azur [^2] sont en effet préoccupées par le mandat de la Commission européenne, adopté en juin 2013 par les États membres de l’Union.

« Négocié en secret, et initié notamment par les patrons des grandes multinationales, l’administration américaine ainsi que les dirigeants européens libéraux et sociaux libéraux, ce projet prévoit le démantèlement de toutes les “entraves” à la libre circulation des capitaux, des biens, des services et des personnes entre l’Union européenne et les Etats-Unis » , pointe la région Ile-de-France .

Trois régions ( Bourgogne, Bretagne, Rhône-Alpes ) ont voté un vœu demandant un moratoire ou un débat autour des négociations. Le conseil régional de Bourgogne demande à l’Association des régions de France (ARF), organisme représentatif des collectivités régionales, l’ouverture d’un débat national avec la participation des collectivités territoriales, des parlementaires, des organisations syndicales et associatives.

En Rhône-Alpes , le vœu déposé par le Front de gauche et EELV déclarant la région hors grand marché transatlantique a été rejeté par le PS, le PRG et le FN, et a été remplacé par une version demandant un moratoire sur les négociations. De même, le conseil régional de Bretagne a rejeté un vœu déclarant la Bretagne zone hors TTIP pour le remplacer par un autre plus consensuel.

Début du mouvement dans les départements et les communes

Deux départements ( Seine-Saint-Denis et Tarn ) et 7 communes ( Besançon, Briançon, Crévoux, Grande Synthe, Niort, Saint-Denis et Sevran ) se sont déclarés zone hors TTIP, selon les données recueillies récemment sur les sites des opposants au grand marché transatlantique (accès ici et ici) aussi nommé zone de libre échange transatlantique (Transatlantic Free Trade Area, TAFTA).

Voir > Cartographie des collectivités hors TAFTA

Les collectivités craignent un accord qui engagera « tous les niveaux de gouvernement » , comme le souligne le mandat de négociation de la Commission européenne. Une fois adopté, l’accord s’appliquera « non seulement aux États de l’UE, mais également à toutes les composantes de ces États : en France, les régions, les départements, les communes ; en Belgique, les communautés, les régions, les provinces, les communes ; en Allemagne, les länder et les communes, etc. » , précise Raoul Marc Jennar , spécialiste des relations internationales, des questions européennes et du droit de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Cet accord « serait un moyen pour les multinationales d’éliminer toutes les décisions publiques qui constituent des entraves à l’expansion de leurs parts de marché, consacrant la domination des multinationales européennes comme américaines et la domination des Etats-Unis. On n’ose imaginer les conséquences sur les collectivités territoriales mises en demeure d’ouvrir les services publics au secteur privé. Ce projet pourrait introduire un mécanisme d’arbitrage privé “investisseur-Etat”, qui se substituerait aux juridictions existantes. » , relève notamment le département de Seine-Saint-Denis .

Plus d’une vingtaine de collectifs locaux ont vu le jour, indique le site du collectif national unitaire « Stop TAFTA », qui a publié une cartographie ici.

Illustration - La grogne des collectivités contre le grand marché transatlantique - Manifestation contre le Partenariat transatlantique à Paris, le 10 avril 2014 (PATRICK KOVARIK / AFP)


[^2]: En Franche-Comté , le vœu n’a pas été adopté faute de quorum, indique EELV. Le conseil régional de Midi-Pyrénées a rejeté le vœu demandant que la région soit déclarée zone hors TTIP, le PS et la droite ayant voté contre.

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