De nombreux députés socialistes veulent que cela change !

Le pouvoir s’est déplacé du peuple vers des puissances illégitimes, cupides et sans considération humaine. Il faut reprendre
le pouvoir.

Pouria Amirshahi  • 29 mai 2014 abonné·es
De nombreux députés socialistes veulent que cela change !
© **Pouria Amirshahi** est député PS des Français de l’étranger pour la circonscription de l’Afrique du Nord et de l’Ouest, il est l’un des initiateurs de « l’appel des Cent ». Nous les avions appelés les « frondeurs » ( *Politis* n° 1302, 8 mai 2014). Photo : Laurent Laborie

La déroute vient de loin. Inutile de remonter le fil jusqu’à la genèse de la dérive, foin du rappel des étapes successives du renoncement, les critiques annonciatrices de cette infamie électorale sont nombreuses et trouvent leur source partout à gauche, dans tous les groupes parlementaires, dans tous les partis. Bref, nous avions prévenu. L’exécutif persévère pourtant dans des recettes à bout de souffle. Et s’engage seul, de plus en plus seul, vers l’abîme du social-libéralisme qui n’est en fait qu’un libéralisme light. Pire, la musique qui s’installe, en guise de « réponse » au « malaise-des-Français-qu’il-faut-entendre-parce-que-l’abstention-montre-une-défiance-bla-bla », serait d’aller plus vite encore dans cette mauvaise voie. Certains vont encore nous suggérer, toute honte bue, que la demande de la société française est une demande de « plus à droite ». Ceux-là se trompent : dans l’absolu, il n’y a pas plus d’électeurs en faveur du Front national. Le FN en perd même deux millions. Mais la gauche socialiste, elle, en perd sept millions. Autrement dit, nos électeurs font grève.

Dans cette situation, quelles sont les tâches des uns et des autres ? Bien que sceptique sur son envie d’écoute à l’heure où je rédige ces lignes, je dois quand même dire qu’il revient à François Hollande de marquer les esprits au Sommet de Bruxelles, ce mercredi 28 mai. Cette Europe-là ne marche pas, les peuples n’en veulent pas, et la première suggestion qu’il doit faire est le renoncement – utile, celui-là – à l’absurde règle d’or et d’austérité des 3 %. Elle bride, affaiblit et, parce qu’elle empêche les politiques publiques ambitieuses, elle conduit à l’impuissance. Et ainsi montent l’abstention (« à quoi bon voter ? ») et le discours volontariste des néofascistes du Front national. Le deuxième impératif est, qu’au Parlement, les socialistes ayant initié « l’appel des Cent » doivent gagner en audience. De nombreux députés socialistes veulent désormais que cela change et sont prêts pour cela à se regrouper autour d’une plateforme de propositions et d’actions législatives qui fasse de l’investissement public, de la justice sociale et fiscale, la priorité.

La troisième exigence est l’unité de la gauche : de ce point de vue, je ne doute pas que les nombreuses initiatives d’ores et déjà prévues d’ici à la fin août seront fécondes. Quel agenda pour cette deuxième partie du quinquennat ? La tâche théorique est immense, mais possible et nécessaire. Il faut passer de la simple addition (et parfois soustraction) des forces à leur synthèse véritable, à leur projection commune. Autrement dit : nous devons mettre nos intelligences au service de la synthèse du socialisme, de la démocratie et de l’écologie. Peut-on remettre en perspective un horizon commun ? Car tout ne peut se résumer à un échange d’argumentaires entre économistes, a fortiori lorsqu’il s’agit de sortir du coma clinique un modèle totalement épuisé… et même dangereux. Le productivisme axé sur l’obsession d’une croissance qui ne reviendra pas est tout simplement criminel. Il tue au lieu d’épanouir. Il dévore au lieu de partager. Pour ma part, je suis certain qu’il faut remettre en marche l’imaginaire national totalement en panne : la République métissée qui est une réussite mais qu’on ne montre jamais ; la souveraineté des peuples confisquée aujourd’hui par la technocratie et les marchés ; un projet européen centré sur la coopération et l’intégration entre les pays qui ont choisi une monnaie commune ; la coopération internationale pour le partage des connaissances et des inventions humaines…

Le fil de cette reconquête, j’en suis convaincu, c’est la démocratie. Le pouvoir de décider s’est déplacé du peuple vers des puissances illégitimes, cupides et sans considération humaine. Il faut reprendre le pouvoir. Mais il faut le réinventer aussi. La délégation ne suffit plus. Le contrôle des pouvoirs autant que la confiance due aux citoyens doit guider la refondation démocratique devenue indispensable. Les parlementaires initiateurs de « l’appel des Cent » ont mis cette question démocratique au cœur du débat : Ve République ou pas, il revient de mettre chaque pouvoir à sa place. Le nôtre est de faire la loi et non de se la faire dicter. Cette approche, qui est une révolution culturelle française, ne fait que commencer. Elle portera, elle aussi, une dynamique féconde. Au service de l’intérêt général, fondé sur l’égalité. Celle-là même qui s’efface en ce moment du tableau de l’histoire de France…

Politique
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