Le poids de la vanité (À flux détendu)

Saint Laurent , de Bertrand Bonello, et The Search , de Michel Hazanavicius.

Christophe Kantcheff  • 29 mai 2014 abonné·es

Le cinéma n’est pas une affaire de poids. Certes, ce qu’on appelle l’intrigue d’un film peut avoir plus d’amplitude que celle d’un autre. Par exemple, à Cannes, dans la sélection française en compétition, deux films se sont situés, de ce point de vue, aux antipodes. D’un côté, Saint Laurent , de Bertrand Bonello, relève d’un genre en vogue, le biopic, et relate ce que le fameux couturier a vécu au cours de la décennie 1966-1976. De l’autre, The Search , de Michel Hazanavicius, est une fresque au temps de la guerre en Tchétchénie, croisant les destins d’un soldat russe, d’une Française de l’ONU et d’une famille tchétchène. La grande couture pour l’un, une tragédie collective pour l’autre. A priori, le Bonello fait pâle figure face au Hazanavicius. Certains penseront même que ce qu’ils perçoivent comme un milieu frivole ne vaut pas le temps d’un film, alors qu’une plongée au cœur d’un événement de bruit et de fureur, peu montré en France, a au moins une valeur documentaire sur l’histoire récente de ce côté du globe. Et pourtant. The Search n’est rien, sinon un très douteux tire-larmes, dont les intentions anti-bellicistes se perdent dans la complaisance d’une reconstitution esthétisante et le récit d’un éveil à la générosité, celui du personnage (mal) interprété par Bérénice Béjo, à la faveur de la guerre. Alors que Saint Laurent s’avère d’une richesse et d’une complexité passionnantes. Le film approche le drame intime d’un artiste dont l’acte créateur, d’une exigence folle, induit son autodestruction, en phase avec une époque et un milieu qui aspirent à repousser toutes les limites. Au cinéma, les bulles multicolores de la mode peuvent ouvrir davantage au mystère du monde que les lourds sabots d’un mélo à grand spectacle portant sur un événement historique. La vanité n’est pas toujours là où on l’imagine.

Culture
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