« Descente de médiums », de Nathalie Quintane : Entendre des voix

Dans Descente de médiums, Nathalie Quintane se met à la disposition d’une logique différente.

Christophe Kantcheff  • 5 juin 2014 abonné·es
« Descente de médiums », de Nathalie Quintane : Entendre des voix
© **Descente de médiums** , Nathalie Quintane, POL, 192 p., 14,50 euros. Photo : Hélène Bamberger

Non pas une irruption, ni même une apparition. Une « descente ». Une « descente de médiums », comme une descente de flics ou de mauvais garçons. Mais, chez Nathalie Quintane, cette descente, c’est comme dévaler une pente sans trop savoir où elle mène.

L’auteure prétend que suivre cette pente serait le signe qu’on n’attend pas le moment propice pour « réformer le monde visible », parce que, sinon, on risque de l’attendre longtemps. « Il ne faut pas être non plus comme ces Polonais dont parle un capitaine Rollin, qui pensent que tant qu’il n’est pas trop tard, il est toujours trop tôt. » Soit. Lire Nathalie Quintane, c’est aussi accepter de se laisser aller à suivre sa pente à elle. Parmi les médiums du livre, outre le fameux Allan Kardec ou les tables tournantes de Victor Hugo : Ted Serios, un Américain dont la spécialité était, soi-disant, de photographier les pensées, la «  thoughtphotography  ». « Ce genre d’idée ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval. Elle vient quand on mène une vie de merde », constate Quintane. En effet, l’existence de Serios ne fut pas grandiose. Mais quels clichés formidables cela ferait ! Par exemple, imaginons les photos que l’on réaliserait de l’esprit du lecteur de Descente de médiums  : un feu d’artifice, entre détonations et gerbes de couleurs ! Car il n’y a rien ici qui ne résiste à la logique commune. Mais la logique de Nathalie Quintane est ensorcelante, comme celle de ses médiums. Un exemple : « Tout à l’heure, j’entends dire à la radio “car je leur parle, à mes amis disparus, et je crois bien qu’ils me répondent”. Si la réponse des morts est dans notre tête, alors il n’y a pas de réponse, sinon  […] qu’on aurait fabriquée ou qui se serait fabriquée. Aussi loin que je sois de moi-même, la réponse que je me donne peut-elle être assez lointaine pour venir d’ailleurs ? »

C’est pour ces considérations inouïes qu’il faut lire Nathalie Quintane. Elles nous sortent de nous-mêmes. Elles ont aussi cette puissance comique de ne jamais être absurdes tout en en ayant l’air. Elles dépotent et renversent la table pour en disposer les éléments autrement. Nathalie Quintane ne prend certainement pas les médiums à la légère, mais elle ne s’en tient pas à l’anecdote. Elle cherche ce qui se trame derrière les apparences que les médiums ont eux-mêmes déjà retournées. « Maintenant, je vous propose de prendre une profonde inspiration et, en expirant, d’entrer lentement dans le texte ». En ce monde visible qu’il faudrait, c’est sûr, « réformer », Nathalie Quintane aide à respirer.

Littérature
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