Gaza : Fausse trêve égyptienne

Alors que les raids israéliens s’intensifiaient sur l’enclave palestinienne, l’Égypte tentait une étrange médiation, aussitôt saisie par le gouvernement Netanyahou pour justifier sa répression.

Denis Sieffert  • 17 juillet 2014 abonné·es
Gaza : Fausse trêve égyptienne
© Photo : AFP PHOTO / SAID KHATIB

Àla différence de Benyamin Netanyahou, les dirigeants de la branche armée du Hamas, les Brigades Ezzedine al-Qassam, ne sont pas de fins stratèges sur le terrain diplomatique. Ils ont immédiatement refusé, mardi matin, la trêve proposée par l’Égypte. Peu de temps après, le cabinet de sécurité israélien acceptait évidemment l’offre égyptienne, malgré l’opposition des deux ministres d’extrême droite, Avigdor Lieberman et Naftali Bennett, ce dernier représentant quasi officiel des colons au sein du gouvernement israélien. La radio publique résumait aussitôt le but de la manœuvre : « En acceptant l’initiative égyptienne, Israël bénéficiera d’une légitimité internationale si le Hamas poursuit ses attaques. » Autrement dit, la répression pourra s’intensifier contre la population de Gaza sans retenue. Et c’est un fait qu’une trêve ne se refuse jamais. Il n’empêche que la position du Hamas répond aussi à une certaine logique. Une logique politique et cynique, bien sûr, qui lui permet de montrer sa fermeté auprès des Gazaouis, alors qu’il est débordé par plus radical que lui, et très contesté dans sa gestion du territoire. Car, comme toujours, les bombes israéliennes renforcent politiquement le Hamas au sein de la population.

Mais, sur le fond, il n’est surtout pas question pour le mouvement islamiste de « rendre les armes » sans avoir obtenu un changement sur le terrain. Son refus s’est donc accompagné de l’exigence de la fin du blocus de Gaza, en place depuis 2006, et de l’ouverture du poste-frontière de Rafah avec l’Égypte, ainsi que de la libération des prisonniers arrêtés de nouveau après avoir été relâchés dans le cadre d’un accord d’échange contre le soldat israélien Gilad Shalit, en 2011. La soudaine offre de médiation de l’Égypte a cependant quelque chose d’étrange qui renforce les soupçons du Hamas. En effet, le nouveau régime militaire du maréchal Al-Sissi mène depuis un an une guerre sans merci aux Frères musulmans égyptiens, dont est issu le Hamas. Et il s’est empressé de détruire les tunnels qui permettaient l’approvisionnement des Gazaouis. Le médiateur est donc un gouvernement qui, jusqu’ici, n’a cessé lui-même d’aggraver le blocus israélien. Venant du Caire, l’offre de trêve aurait donc eu une tout autre signification si elle s’était accompagnée immédiatement de mesures concrètes sur le terrain. Mais il est vrai que, dans ces conditions, l’Égypte se serait heurtée à un refus israélien. On voit bien le piège tendu au Hamas : accepter la trêve, c’est accepter les conditions actuelles du blocus. Les plus dures pour la population depuis sept ans. Sans garantie pour la suite, même si l’offre égyptienne était assortie d’une promesse de négociations sur l’entrée des biens et des personnes dans l’enclave palestinienne.

En novembre 2012, l’Égypte avait obtenu une trêve. Mais c’était une autre Égypte, celle du Président islamiste Mohamed Morsi, et le commerce des tunnels entre Gaza et l’Égypte était florissant. Aujourd’hui, l’analyse du cabinet israélien est la bonne. Il s’agit pour le gouvernement Netanyahou, acteur d’une guerre particulièrement impopulaire contre une population civile sans défense, de justifier son action et de démontrer que les responsabilités sont du côté des « terroristes » du Hamas. Cette thèse triomphera, au moins dans l’opinion israélienne. À noter que l’offre égyptienne a été bien accueillie par le Président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, qui a appelé les parties à respecter le cessez-le-feu.

À Gaza, le bilan d’une semaine de bombardements s’élevait mardi à 189 morts et 1 300 blessés, selon les services de secours de l’enclave palestinienne. Dans la seule nuit de lundi à mardi, l’aviation israélienne avait mené 25 nouveaux raids, tandis que deux roquettes étaient tirées sur le sud d’Israël, sans faire de victimes. Le patron de l’UNRWA à Gaza, l’agence de l’ONU pour l’aide aux réfugiés, Pierre Krähenbühl, estime que « les femmes et les enfants représentent une large part des victimes des frappes aériennes ». Selon lui, « plus du quart des morts sont des enfants ». L’UNWRA a par ailleurs recensé quelque 17 000 personnes qui ont dû se réfugier dans les écoles que gère l’agence, où il y a très peu d’eau et de nourriture. Rappelons que l’origine de cette nouvelle explosion de violence, c’est l’enlèvement et l’assassinat de trois jeunes colons de la région d’Hébron, en Cisjordanie, puis l’assassinat d’un adolescent palestinien par des colons. Le conflit s’est déplacé vers Gaza après que le gouvernement israélien eut désigné le Hamas comme responsable du triple assassinat du 12 juin – ce que celui-ci a toujours contesté. Les autorités israéliennes ont ensuite entamé une campagne d’arrestations des responsables du mouvement islamiste en Cisjordanie, ainsi que le démantèlement des infrastructures et associations qui lui sont liées. En représailles, le Hamas a lancé depuis Gaza quelque 800 roquettes en direction d’Israël, dont certaines, de longue portée, ont atteint les environs de Jérusalem et le nord de Tel-Aviv, faisant trois blessés, dont un grave, dans la ville d’Ashdod, au sud d’Israël.

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