Gaza : Le prix de la lâcheté

La communauté internationale préfère payer que d’imposer la levée du blocus.

Denis Sieffert  • 16 octobre 2014 abonné·es
Gaza : Le prix de la lâcheté
© Photo : AFP PHOTO / SAID KHATIB

Une cinquantaine de pays et d’organisations internationales, réunis les 11 et 12 octobre au Caire, ont promis 5,4 milliards de dollars (4,3 milliards d’euros) d’aide à la bande de Gaza, dévastée cet été par les bombardements israéliens. Le Qatar annonce un milliard de dollars, Washington s’est engagé à verser 212 millions immédiatement, sur un total de 400 millions en un an, et l’Union européenne 450 millions d’euros. Mais ces promesses, dont on sait par expérience que toutes ne seront pas honorées, ont été assorties d’un discours politique ambigu du secrétaire d’État américain, John Kerry, et des représentants de l’Union européenne.

Washington et ses alliés ont en effet immédiatement exigé que Palestiniens et Israéliens reprennent « sérieusement » « les négociations de paix ». Or, au-delà des apparences, ce discours sert la politique israélienne. Le plan Kerry du mois d’avril avait échoué parce qu’Israël refusait de geler la colonisation en Cisjordanie et de lever, ou même d’assouplir, le blocus sur Gaza. On sait que les dirigeants israéliens ont toujours accepté la « négociation » à condition qu’elle soit sans fin et qu’ils puissent poursuivre sans entraves leur activité de colonisation. Seul le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, qui s’est rendu en début de semaine à Ramallah et à Gaza, a « fermement condamné les activités de colonisation » et évoqué le sort des Gazaouis.

On peut donc redouter que l’aide promise pour la reconstruction de Gaza ne soit une nouvelle fois, comme en 2010, le prix de la lâcheté de la communauté internationale. Laquelle préfère payer plutôt que de condamner Israël pour les bombardements et lui imposer l’arrêt de la colonisation ainsi que la levée du blocus. « Le cycle constructions-destructions se poursuit », a regretté Ban Ki-moon. C’est bien là le ridicule tragique de la situation. Un ridicule à son comble quand le gouvernement israélien rappelle qu’il est lui aussi « un acteur » de l’aide à Gaza et déplore de n’avoir pas été invité au Caire… Mais l’histoire, ces jours-ci, se joue peut-être ailleurs. Sur le terrain interpalestinien d’abord, puisque, pour la première fois depuis 2007, un gouvernement d’union s’est réuni le 9 octobre à Gaza. Ce qui va dans le sens de la stabilité politique demandée par la communauté internationale. Elle se joue aussi sur le terrain diplomatique puisque s’ouvre la semaine prochaine, dans le cadre de la 69e assemblée générale de l’ONU, le débat sur la résolution palestinienne enjoignant à Israël de quitter la Cisjordanie sous trois ans. Une résolution qui agirait vraiment sur les causes du conflit, mais à laquelle les États-Unis s’opposeront. Cherchez la contradiction…

Monde
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