Mission impossible pour 2015

Un accord climatique d’envergure à Paris l’an prochain est devenu très improbable.

Patrick Piro  • 18 décembre 2014 abonné·es
Mission impossible pour 2015
© Photo : Action de Greenpeace à Nazca, au Pérou, en août 2014, à quelques mois de la rencontre internationale sur le Climat, à Lima. (Thomas Reinecke (TV NEWS) / GREENPEACE / AFP)

On avait bien compris, assure-t-on dans le milieu des négociateurs du climat, la leçon de Copenhague. En 2009, la grande conférence avait piteusement échoué à produire un accord planétaire pour maîtriser la dérive climatique à cause d’un manque de préparation en amont. Cinq ans plus tard, le concert des 195 nations représentées à Lima (1er-12 décembre) a pourtant rejoué un psychodrame similaire à un an du sommet de Paris, censé effacer la déconvenue de Copenhague : douze journées stériles complétées par une journée de prolongation, pour un saut de puce en direction d’un objectif déjà quasiment mythique – limiter la hausse des températures planétaires à 2 °C en moyenne. Et l’essentiel ne porte que sur des questions de méthode.

Ainsi, d’ici au 31 mars, tous les pays (c’est quand même une première) devront avoir déposé leur plan national de réduction des émissions de gaz à effet de serre – tolérance jusqu’au 31 mai. Des contributions sous contrainte minimum, dont la Chine et l’Inde, notamment, ne voulaient pas : les gouvernements n’ont aucune obligation de fournir des détails sur leurs intentions, tels que les dates de référence, les objectifs annuels, le périmètre de leurs mesures, etc. Ce qui va singulièrement obscurcir le travail de compilation : la somme des engagements permettra-t-elle d’approcher peu ou prou l’objectif des 2 °C ? L’ONU devra fournir un rapport sur ce point décisif le 1er novembre prochain. Il ne restera donc qu’un mois aux diplomates du climat pour tenter de combler un fossé qui promet d’être considérable, par le biais de ce jeu de déclarations à l’aveuglette où chacun tente d’en lâcher le moins possible. En l’absence de locomotive dans les négociations (l’UE est rentrée dans le rang depuis Copenhague), ce mécanisme possède cependant une vertu, veulent se convaincre les diplomates : la pression du collectif. Quel pays voudrait apparaître aux yeux des autres comme le cancre planétaire des efforts climatiques ?

Il a fallu tordre le bras à Washington, mais les pays pauvres, dont la responsabilité est minime, ont finalement obtenu que les contributions à l’effort collectif ne se limitent pas à des réductions d’émissions, mais puissent inclure des mesures d’adaptation au changement climatique. Les pertes et dommages causés par les ouragans, les sécheresses, etc., dont ils devraient être les premiers comptables, seront aussi pris en compte. Au chapitre « financement », Lima n’aura vu ajouter par les pays riches que 200 millions de dollars aux 10 milliards déjà annoncés pour l’aide à l’adaptation des pays pauvres. Une goutte d’eau en rapport avec les besoins admis : 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020. Et l’accord de Paris, qui devrait engager tous les pays, fin 2015 ? Il est dans les limbes. De Lima n’est sortie qu’une liasse « d’éléments » présentant des options sur son ambition : visera-t-il le « zéro émission » en 2050, ou se contentera-t-il d’appeler à de vagues politiques « basses émissions » ? Définira-t-on un objectif global également pour l’adaptation au changement ? Alors que les négociations intermédiaires reprennent en février, il ne restera que neuf mois pour accoucher, dans le consensus, des objectifs de fond de l’accord de Paris, de niveaux d’engagement cohérents de la part des pays, et des milliards de dollars qui permettraient aux pays pauvres de ne pas se retrouver dindons de la farce.

Écologie
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