Parutions de la semaine

Politis  • 29 janvier 2015 abonné·es

La Parole contraire

Erri De Luca, traduit de l’italien par Danièle Valin, Gallimard, 48 p., 8 euros.

« Je revendique le droit d’utiliser le verbe “saboter” selon le bon vouloir de la langue italienne. Son emploi ne se réduit pas au sens de la dégradation matérielle. » Soutenant le mouvement NO TAV d’opposition à la ligne ferroviaire Lyon-Turin, dont la construction ravagerait les Alpes piémontaises, Erri De Luca est poursuivi par la justice italienne pour avoir prononcé dans une interview cette « parole contraire », véritable « incitation à saboter et à dégrader ». Il devait être jugé ce 28 janvier puisque, selon les procureurs, sa déclaration a été suivie d’effet par des militants contre un chantier, transformé en vrai camp retranché par la police. Alliant analyse sémantique et souvenirs de manifestations durant des années 1970 autrement plus violentes qu’aujourd’hui, l’auteur se livre à une défense brillante de sa liberté d’écrivain et d’intellectuel engagé.

L’Empire des hygiénistes. Vivre aux colonies

Olivier Le Cour Grandmaison, Fayard, 362 p., 23 euros.

Poursuivant ses investigations sur l’histoire de l’empire français, Olivier Le Cour Grandmaison s’intéresse ici à la vie quotidienne au sein de la société coloniale. Il montre comment, durant « la République impériale » – titre de l’un de ses récents ouvrages (Fayard, 2009) – la métropole et son administration souhaitent « transformer les colonies françaises en territoires sûrs et prospères ». Bientôt, il ne s’agit plus tant de sûreté militaire que de sécurité sanitaire et de salubrité, face d’abord aux multiples maladies et climats tropicaux. L’auteur exhume donc une véritable biopolitique, mise en œuvre par cet « empire des hygiénistes », censé permettre de « vivre aux colonies », qui va régir sexualité, nourriture, alimentation, habitat ou division raciale du travail. Une recherche novatrice.

Revue Vacarme

N° 70, hiver 2015, 256 p., 12 euros.

Réalisée avant les élections grecques mais aussi les attentats du 7 janvier, cette livraison de Vacarme, très riche par ailleurs (avec un dossier sur les animaux dans nos sociétés), se singularise par un article introductif de Sophie Wahnich intitulé « La mort de Rémi Fraisse nous fait violence ». Pour cette historienne de la Révolution française, cet événement tragique dit « à quel point notre héritage a été dilapidé et récusé ». Celui de démocrates, de « membres des assemblées primaires de 1789, des sociétés fraternelles et politiques des deux sexes », de « pétitionnaires de toujours », « celui d’un dialogue incessant et réglé entre représentants et représentés afin que la “force de loi” ne porte jamais atteinte au corps ». Cette mort – advenue sous un gouvernement « de gauche » – dit « la violence sourde et oppressive des représentants qui ne veulent rien entendre ». Et leur « défaillance ». Ne serait-ce que pour la force de cette leçon de l’historienne, on ne saurait manquer ce n° 70 de Vacarme.

Idées
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Ce texte fut ensuite amendé par certains militants et grandes signatures, en premier lieu celle de Pierre Bourdieu. Mais les cinq rédacteurs de sa première version – qu’a retrouvée Michèle Riot-Sarcey et que nous publions grâce à ses bons soins – se voulaient d’abord une réponse aux soutiens au plan gouvernemental.
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