Sivens toujours sous tension

L’enterrement du projet initial de barrage n’a convaincu ni les zadistes ni les agriculteurs.

Patrick Piro  • 22 janvier 2015 abonné·es

La ministre de l’Écologie avait dit qu’elle prendrait ses responsabilités au cas où un compromis ne se dégagerait pas entre les acteurs locaux sur les suites à donner au projet de barrage de Sivens : c’est fait. Elle a annoncé, vendredi dernier, l’abandon de la version initiale, même si, dans les formes, la décision revient au conseil général du Tarn. Ségolène Royal s’appuie sur le nouveau rapport d’experts qu’elle avait commandité, et qui propose deux alternatives : un barrage deux fois moins important en amont du site précédent, ou la construction de plusieurs petites retenues à proximité.

Les zadistes, satisfaits de l’enterrement d’un projet marqué par le sang de Rémi Fraisse, le jeune militant écologiste tué le 26 octobre dernier par la grenade offensive d’un gendarme [^2], ont communiqué leur refus de ces options, défendant qu’elles auront aussi un impact inacceptable sur l’environnement. Le Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet n’adhère pas non plus. Sa proposition, qui n’a pas été examinée, déplore Ben Lefetey, animateur du collectif, préconise d’utiliser l’eau de petites retenues déjà existantes, « et qui ne sont jamais utilisées ! ». Ces réserves suffiraient à couvrir 60 % à 100 % des besoins, et il serait possible de les augmenter à moindre coût financier et environnemental sans en passer par les solutions suggérées par les experts, lesquels ont travaillé dans l’urgence. « Les conclusions de leur rapport sont très politiques, elles visent à proposer à tout prix la construction d’un ouvrage afin de donner un minimum de satisfaction aux porteurs du projet initial » .

La tension est aujourd’hui largement alimentée par les cultivateurs de la FDSEA (syndicat majoritaire) et les Jeunes Agriculteurs du Tarn et du Tarn-et-Garonne. Très remontés, ils ont réaffirmé la nécessité d’en revenir au barrage initial, qualifiant les experts de « bouffons » aux ordres de Royal. Leurs manifestations, en ce début de semaine, ont gagné en intensité – blocage pendant quatre heures de la rocade autoroutière de Montauban, opération escargot sur l’axe Montauban-Albi, menaces contre les zadistes.Le conseil général du Tarn, maître d’ouvrage, doit définir sa position le 6 mars prochain. « Nous mettons en garde contre le risque d’un deuxième passage en force », prévient Ben Lefetey, qui compte bien que ce délai soit mis à profit pour approfondir les propositions alternatives, dont celle du collectif.

[^2]: Il a été brièvement mis en garde à vue la semaine dernière. L’enquête est toujours en cours.