L’écologie a besoin de services publics solides

TRIBUNE. Les biens nécessaires à la vie et à l’intérêt général doivent être protégés et relever de la compétence de la collectivité publique.

Jacques Boutault  • 26 mars 2015
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L’écologie a besoin de services publics solides
© **Jacques Boutault** est maire du IIe arrondissement, conseiller de Paris. Photo : AFP PHOTO / MATTHIEU ALEXANDRE

Depuis une trentaine d’années, des politiques ouvertement ou d’inspiration libérales ont considérablement affaibli les services publics et la protection sociale, outils de défense des plus fragiles. Partant du constat que la misère et les inégalités avaient été à l’origine de la formation des régimes totalitaires et du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, le Conseil national de la Résistance avait fait de la protection sociale et des services publics des outils de lutte contre ces fléaux sociaux. Aujourd’hui, alors que les inégalités sont revenues à leur niveau d’avant-guerre, la montée de l’abstention et du vote pour l’extrême droite s’observent principalement dans les zones rurales et périurbaines délaissées. Là où les services publics ne sont plus en mesure d’assurer leurs missions ou sont absents. La réduction des dépenses publiques ne peut être une fin en soi. Pourtant, le dernier rapport de la Cour des comptes (février 2015) porte une vision purement comptable sur les services publics, essentiels à la démocratie. Dépourvu d’analyse globale, il ne prend pas en compte le bien-être qu’ils apportent aux citoyens. Par exemple, substituer aux trains intercités des transports par cars, au prétexte que les liaisons routières sont moins coûteuses, est contraire à l’intérêt des citoyens : trajets nécessairement plus longs, abandon d’infrastructures ferroviaires existantes, rejets accrus de CO2 dans l’atmosphère…

En tant qu’écologistes, nous avions déjà conscience de la nécessité de préserver et d’utiliser équitablement l’air, l’eau, les sols, la biodiversité, biens communs fondamentaux nécessaires à la vie. De la même manière, les biens sociaux fondamentaux visant à satisfaire un besoin d’intérêt général doivent être protégés et relever de la compétence de la collectivité publique pour être préservés et utilisés équitablement. Des activités comme l’éducation, la santé, la culture, les transports, l’énergie, les communications doivent pouvoir s’exercer en dehors du secteur marchand et ne pas être soumises à l’impératif de rentabilité. Ainsi, le cadre dans lequel les services publics ont été conçus à l’origine doit être refondé. Avec la raréfaction des ressources, la perte de biodiversité, le réchauffement climatique et la pollution, les biens communs ne sont plus seulement sociaux et économiques, ils sont aussi écologiques.

Pourtant, c’est une politique à rebours que mènent depuis trente ans l’Union européenne et les gouvernements successifs dans notre pays, convaincus que le profit ne peut croître que si les coûts sociaux diminuent. Alors même que les conséquences de la crise de 2008 ont pu être amorties chez nous grâce à un système de protection sociale conservant encore quelques acquis, l’Union européenne a réaffirmé son orientation néolibérale imposant aux États membres des politiques d’austérité. En voulant instaurer des tribunaux d’arbitrage privés permettant à n’importe quel investisseur de contester toute mesure constituant un obstacle à la réalisation de son profit attendu, le projet de traité transatlantique (Tafta) s’inscrit dans cette logique. En ligne de mire : les normes et les services publics garants des protections sanitaires et sociales et de l’accès égalitaire aux biens et aux services communs. En France, les services publics ont été considérablement affaiblis par cinq ans de restrictions menées par Nicolas Sarkozy dans le cadre de la RGPP. Le pacte de responsabilité, le plan de réduction de 50 milliards d’euros de la dépense publique dans le cadre du CICE, la baisse des dotations de 11 milliards d’euros aux collectivités territoriales voulus par l’actuel gouvernement sont venus aggraver le désengagement de l’État. La réforme territoriale affaiblit plus encore les services de proximité et renforce les inégalités territoriales. Les services de l’Équipement ne sont plus en mesure d’intervenir efficacement en cas d’urgence climatique (épisode neigeux, tempête, etc.). Les Eaux et Forêts ne peuvent plus assurer correctement leurs missions de préservation de la biodiversité et des zones humides. Les hôpitaux et maternités de proximité sont démantelés.

Reconquérir puis refonder les services publics pour le XXIe siècle, c’est l’engagement qu’a pris le Collectif de défense et de développement des services publics. Regroupés dans une Convergence nationale, citoyen-ne- s, élu-e-s syndicalistes et partis politiques se proposent, dix ans après la manifestation de Guéret (Creuse) en 2005, d’alerter l’opinion publique. Le 13 juin se tiendra à Guéret un grand rassemblement [^2] qui sera suivi le 14 de la mise en place d’ateliers, initiant un processus qui devrait aboutir mi-juin 2016 à la tenue d’assises et à la rédaction d’un Manifeste pour les services publics au XXIe siècle.

[^2]: De nombreux Collectifs en région appellent à se joindre à ce rassemblement ainsi que la Coordination eau bien commun France, la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, la Convergence nationale rail, le Collectif « La santé n’est pas une marchandise », la Coordination Eau-IDF et la Coordination nationale des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception. www.convergences-sp.com

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