Pourquoi le congrès du PS va faire « pschitt »

L’aile gauche du PS compte sur les journées de Poitiers, en juin prochain, pour renforcer son poids dans le parti. Mais n’a-t-elle pas perdu d’avance ?

Pauline Graulle  • 16 avril 2015 abonné·es
Pourquoi le congrès du PS va faire « pschitt »
© Photo : CITIZENSIDE/THIERRY THOREL

Ce devait être le congrès de tous les dangers. Le round ultime entre sociaux-démocrates et sociaux-libéraux qui mettrait fin par K.-O aux déchirements idéologiques qui minent le Parti socialiste. Las, les motions présentées samedi dernier en conseil national (voir encadré) laissent présager que le congrès de Poitiers ne chamboulera rien, ou si peu, dans un PS davantage préoccupé par sa survie immédiate que par son existence à long terme. « C’est stupéfiant de voir à quel point ce parti se torpille lui-même à force de vouloir maintenir l’appareil », constate Rémi Lefebvre, professeur de science politique à l’université Lille-II.

Le 21 mai, les militants socialistes voteront pour l’une des quatre motions en lice au congrès de Poitiers. La motion pro-gouvernementale (motion « A »), incarnée par le premier secrétaire actuel, Jean-Christophe Cambadélis, devrait l’emporter sans trop de suspense face à la motion « B » de l’aile gauche, portée par le député Christian Paul.

La première est un attelage hétéroclite allant de Martine Aubry et de quelques proches d’Arnaud Montebourg à l’aile droite de Gérard Collomb. La seconde rassemble également assez large : des ex-ministres Benoît Hamon et Aurélie Filippetti à Marie-Noëlle Lienemann ou à Gérard Filoche, en passant – surprise ! – par le sénateur Gaëtan Gorce, jusqu’ici proche de Manuel Valls.

Restent deux motions promises aux petits scores : la motion « citoyenne » (motion « C »), portée par la secrétaire nationale à l’économie sociale et solidaire, Florence Augier. Et la motion « D » de la secrétaire nationale à l’économie, Karine Berger : censée incarner une voie intermédiaire entre les deux premières, elle serait destinée à « grever le résultat des frondeurs pour finalement soutenir la direction de Solférino », jugent les mauvaises langues.

Sauver le parti à tout prix. Est-ce ce réflexe pavlovien qui a saisi Martine Aubry dans les derniers 100 mètres ? La logique aurait voulu qu’elle rejoigne la motion des frondeurs. Celle qui n’avait pas de mots assez durs contre la politique de Manuel Valls a fini par se rallier à la motion de Jean-Christophe Cambadélis, aux côtés de… Manuel Valls. Aubry main dans la main avec les ultralibéraux du parti pour soutenir ce « nul » – disait-elle – de Hollande : le (sale) coup serait signé du Président lui-même. « En nommant Patrick Kanner [ex-président du conseil général du Nord, NDLR] au gouvernement, Hollande a joué l’un de ses fameux coups de billard à plusieurs bandes, croit savoir Rémi Lefebvre. Réveillant les vieux conflits entre mauroyistes et aubrystes dans le Nord, il a fragilisé la maire de Lille dans sa fédération, l’empêchant ainsi de rejoindre la motion des frondeurs. » Histoire de conserver dans son giron les « réformateurs » de l’aile droite tout en offrant à Martine Aubry de sauver la face, il suffisait ensuite à Cambadélis de « gauchir » un peu le texte initial de la motion majoritaire… Un geste sans grandes conséquences.

« Le principal pour Hollande, confie un socialiste, était que la motion de “Camba” rassemble des noms. Ensuite, peu importe la teneur du texte, dont, en réalité, tout le monde se fiche. » Du côté de l’aile gauche, divisée entre différents courants, et qui espérait jusqu’au bout le ralliement d’Aubry, le choix du consensus a également prévalu. Avec pour chef de file le député de la Nièvre Christian Paul [^2], la motion « B », qui reprend ironiquement les principales mesures du programme de 2012 d’un certain François Hollande, rassemble certes plus large que les « gauchistes » du parti. Au risque de souffrir d’un manque de pugnacité ? « Il faut qu’on joue la carte jusqu’au bout, mais je ne suis pas le plus optimiste », reconnaissait la semaine dernière le député frondeur du Morbihan, Philippe Noguès.

Reste à savoir ce que feront les 60 000 militants socialistes appelés aux urnes le 21 mai. Désertant en masse, les militants dégoûtés par la politique de l’exécutif ont laissé le parti aux « légitimistes », plutôt tentés par le statu quo incarné par la motion majoritaire. L’ establishment pourrait cependant prendre sa revanche : « Ces élus de terrain qui ont perdu les élections locales les unes après les autres pourraient avoir envie d’ouvrir le débat sur la politique de Hollande, espère Sylvain Mathieu, premier fédéral de la Nièvre. De toute façon, c’est ça ou on se transforme en SFIO. » Qui, en 1969, avait fini avec 5 % des voix à la présidentielle.

[^2]: Lire son portrait, « Christian Paul : frondeur tout en rondeur », sur Politis.fr

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