Programme budgétaire : l’austérité, plus que jamais

Le gouvernement a présenté son programme de stabilité budgétaire, exigé par Bruxelles pour les années 2015 à 2018. Il prévoit 9 milliards d’euros d’économies supplémentaires sur les dépenses sociales et publiques.

Thierry Brun  • 15 avril 2015 abonné·es
Programme budgétaire : l’austérité, plus que jamais
© Photo : FRANCOIS GUILLOT / AFP

Les engagements budgétaires du gouvernement présentés le 15 avril dans son programme de stabilité pour les années 2015 à 2018 satisferont la Commission européenne, les marchés financiers et le… Medef, qui sort grand gagnant de cette politique d’austérité quasi exclusivement orientée vers la réduction drastique des moyens de la protection sociale et des services publics.

Dans ses recommandations du mois de février, Bruxelles insistait sur la nécessité de mettre en œuvre de nouvelles mesures budgétaires pour combler l’écart entre les prévisions françaises et ses exigences qui réclament un ajustement structurel de 0,5 % du PIB en 2015. La Commission européenne attendait aussi de pied ferme un nouveau programme détaillé de réformes structurelles de Paris d’ici avril pour ramener son déficit public sous la barre des 3 % en 2017 au plus tard.

« La France connaît des déséquilibres macroéconomiques excessifs, qui nécessitent une action politique décisive et un suivi spécifique. La Commission prendra, en mai, sur la base des programmes nationaux de réforme (PNR) et d’autres engagements à des réformes structurelles annoncées à cette date, la décision d’activer la procédure de déséquilibres excessifs (EIP) » , avait menacé la Commission.

Le gouvernement de Manuel Valls a donc obtempéré lors de la présentation de son programme de stabilité budgétaire et de son PNR en s’engageant à maintenir cette ligne destructrice d’une main ferme. Car le ministre des Finances, Michel Sapin, et le secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert, ont présenté le programme de stabilité à la Commission des finances de l’Assemblée nationale et ont prévu l’envoi du texte à la Commission européenne d’ici fin avril, sans vote du Parlement.

Stabilité budgétaire à marche forcée

Le programme de stabilité budgétaire prévoit de nouvelles mesures de baisse des dépenses publiques et sociales, avec des économies promises sur le dos des familles, des malades, des retraités, des chômeurs, des services publics, des fonctionnaires, des collectivités locales. Dans le texte de 90 pages, le ministère des Finances se focalise, avec le pacte dit de « responsabilité » et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), sur la baisse des dépenses publiques et l’amélioration des marges des entreprises. Ainsi, le gouvernement rappelle qu’au total ces deux dispositifs représentent plus de 12 milliards d’euros de baisses supplémentaires d’impôt et de cotisations pour les entreprises en 2015. Des mesures qui n’ont guère permis de réduire les déficits et ont jusqu’à présent augmenté le poids de la dette publique.

Michel Sapin, mercredi 15 avril 2015. - ERIC PIERMONT / AFP

La dette a atteint 95 % du PIB à la fin de l’année dernière (chiffre supérieur de plus de 4 points à la prévision du gouvernement), contre 92,3 % en 2013, soit un peu plus de 2 000 milliards d’euros en valeur absolue, bien au-dessus du seuil de tolérance européen fixé à 60 %. Les prévisions proposées par le gouvernement, présentées comme « prudentes », indiquent que la dette publique atteindrait 96,3 % du PIB en 2015, puis 97 % en 2016. Les objectifs de croissance ont été revus à la baisse, mais pas au point de les aligner sur ceux de la Commission européenne dans ses recommandations, qui pourtant s’imposent.

Concrètement, le gouvernement, qui s’est engagé à réduire de 50 milliards d’euros la dépense publique sur la période 2015-2017, dont 21 milliards d’euros dès cette année, doit trouver 9 milliards d’euros supplémentaires en 2015 et en 2016. Quatre milliards d’économies supplémentaires doivent être trouvés cette année, du fait de la très faible inflation, et cinq milliards supplémentaires pour l’année prochaine.

Les quatre milliards d’économies supplémentaires en 2015, soit 25 milliards d’euros en tout, se répartissent ainsi : 1,2 milliard de dépenses en moins pour l’État et ses opérateurs et 1 milliard de moins sur les dépenses de santé et de protection sociale cette année. S’ajoutent à cela, un bénéfice constaté de 400 millions d’euros supplémentaires dans la lutte contre la fraude fiscale, de 200 millions de plus au titre des dividendes de l’État actionnaire, et 1,2 milliard de moindre dépense pour la charge de la dette grâce aux taux d’intérêt très bas.

En 2016, les économies seront réparties proportionnellement entre les trois grands secteurs (1,6 milliard d’effort pour l’État, 2,2 milliards pour la protection sociale et 1,2 milliard dans les dépenses de fonctionnement des collectivités locales), a expliqué Bercy sans s’avancer davantage. Le ministère des Finances a néanmoins déjà prévu que l’objectif de dépenses de l’assurance maladie n’augmenterait en 2016 que de 1,75 % au lieu de 2 % prévus auparavant.

Des réformes antisociales

En février, le Premier ministre, Manuel Valls, et Michel Sapin avaient réaffirmé l’objectif de réduire le déficit public de la France au-dessous de 3 % du PIB en 2017, après le nouveau délai de deux ans accordé à Paris par la Commission européenne. Surtout, Bruxelles attend avec impatience le programme national de réformes (PNR), complément au programme de stabilité budgétaire que le gouvernement doit également transmettre à Bruxelles dans les prochains jours.

Le PNR présenté par Emmanuel Macron est orienté notamment autour de l’amélioration de la « compétitivité coût des entreprises » , de la simplification des « formalités administratives des entreprises » , de l’adaptation de « la réglementation sur le marché des biens et services » et de l’amélioration du « fonctionnement du marché du travail » , ce que dans la vulgate néolibérale le ministre de l’Économie nomme la « compétitivité hors coût » , pour « fluidifier les parcours professionnels » , une expression malheureuse qui s’inspire de Denis Gautier-Sauvagnac, ex-patron de la puissante Union des industries et métiers de la métallurgie, qui avait parlé de « fluidifier les relations sociales » avec l’argent de la caisse noire du Medef.

En matière de réforme du marché du travail, le PNR confirme que le gouvernement présentera le 22 avril le projet de loi de modernisation du dialogue social, qui sera discuté à l’Assemblée nationale d’ici l’été et prévoit de réduire les instances de représentations du personnel dans les entreprises pour renforcer « la compétitivité des entreprises » et considère comme acquise cette loi non encore débattue par le Parlement. En outre, le PNR rappelle que la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques simplifiera « certaines obligations liées aux licenciements collectifs » et réformera les prud’hommes pour accélérer « les décisions des juges et les rendre plus prévisibles et moins coûteuses pour les entreprises » . Ainsi, le gouvernement de Manuel Valls tient bon la barre d’un néolibéralisme autoritaire et débridé.

Économie
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