TTIP : le naufrage des sociaux-démocrates

Deux sociaux-démocrates, le président du Parlement européen, Martin Schultz, ainsi que Bernd Lange, qui préside la commission du commerce international, ont exceptionnellement ajourné le vote d’une résolution sur le traité transatlantique entre l’UE et les Etats-Unis.

Thierry Brun  • 10 juin 2015
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TTIP : le naufrage des sociaux-démocrates
© Photo: Des élus Front de gauche du Parlement européen, Patrick Le Hyaric et Jean-Luc Mélenchon, se sont joint à la manifestation organisée contre le TTIP à l'extérieur du Parlement, le 10 juin 2015 (CITIZENSIDE/CLAUDE TRUONG-NGOC).

Les sociaux-démocrates Martin Schultz , président du Parlement européen, et Bernd Lange, qui préside la commission du commerce international du Parlement, ont annoncé le 10 juin le report du vote de la résolution du Parlement sur le traité transatlantique (PTCI, TTIP en anglais), faute d’accord politique. Cette décision remet à plus tard le débat sur les négociations entamées par la Commission européenne pour un accord de libre échange avec les Etats-Unis.

La commission en charge du commerce international avait planché depuis plusieurs mois sur un projet de recommandations non contraignantes à la Commission européenne. Celles-ci ont été adoptées le 28 mai à la suite d’un compromis entre les sociaux-démocrates (groupe S&D) et la droite majoritaire (groupe PPE). Le vote a en effet rassemblé les voix du PPE ainsi que celle du S&D, à l’exception du socialiste français Emmanuel Maurel. Les députés ont décidé de laisser la porte ouverte à l’inclusion d’un mécanisme très controversé de règlement des différends entre investisseurs et Etats (ISDS en anglais) dans le TTIP.

« La commission du commerce international a adopté un projet de recommandation afin que le Parlement européen se prononce sur les négociations en cours d’un accord de libre-échange transatlantique (TTIP). Il est clair, pour nous, comme pour d’autres, que ce texte n’est pas suffisant puisqu’il reste flou sur la question de l’arbitrage privé » , réagissait la délégation socialiste française au Parlement européen, le 4 juin. Le rapporteur du groupe S&D, Bernd Lange, affirmait de son côté, le 28 mai, que «la position adoptée impliquait un abandon de l’arbitrage privé » , tout en reconnaissant que son groupe était obligé de faire un compromis avec les groupes favorables à ces mécanismes. L’attitude des sociaux-démocrates a suscité la réaction du député européen EELV Yannick Jadot :
« Je regrette profondément que le groupe social-démocrate ait revu totalement sa position sur l’ISDS pour se ranger derrière le PPE, derrière l’ECR et derrière le groupe libéral ».

Le groupe S&D a retiré la motion anti-ISDS

Les écologistes et la gauche unitaire européenne (GUE), ainsi que les ONG qui militent pour l’abandon des négociations sur le TTIP, ont dénoncé le retrait de la mention anti-ISDS par Bernd Lange. « C’est la raison pour laquelle nous venons de redéposer des amendements afin de pouvoir, lors du vote en plénière du Parlement européen, le 10 juin, rejeter tout recours à l’ISDS. Si ces derniers n’étaient pas adoptés, nous ne pourrons pas voter la résolution » sur le TTIP, menaçaient les socialistes français le 4 juin. Mais le PPE aurait refusé de voter l’ensemble du texte… D’où le report du vote à une date ultérieure, qui a suscité de nombreuses réactions des eurodéputés comme des associations qui manifestaient à l’extérieur du Parlement.


Intervention de Yannick Jadot pour contester le… par EurodeputesEE

« Cette décision est un désaveu cinglant du travail entrepris ces derniers mois, en particulier par Bernd Lange, pour l’adoption d’une résolution qui a suscité de nombreux débats et amendements. C’est une preuve supplémentaire des désaccords existants sur ce projet de traité transatlantique. Le texte se refusait notamment à remettre en cause les privilèges accordés aux investisseurs et le recours à l’arbitrage d’investissement » , souligne Attac France. « Le report du vote de la résolution du Parlement européen sur l’accord transatlantique sanctionne son incapacité à s’accorder sur un texte soutenant la direction générale du commerce et la commissaire Malmström dans sa démarche de négociation » , ajoute l’Association internationale de techniciens, experts et chercheurs (Aitec).

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