Annuler 61,3 % de la dette

Une condition sine qua non pour que l’économie grecque redémarre.

Jean-Marie Harribey  • 16 juillet 2015 abonné·es

Merkel, Hollande, Lagarde, Juncker, Draghi, Schäuble, Gabriel, Moscovici… sont à la Grèce de Tsipras ce que furent la CIA, Nixon et Kissinger au Chili d’Allende. Dans les deux cas : nier le choix populaire et déstabiliser un gouvernement démocratiquement élu. Ce n’est plus le coup d’État de militaires fascistes, c’est celui de la finance, le bras d’une classe dominante arrogante, sûre de son hégémonie perpétuelle. L’étranglement du gouvernement Syriza a commencé dès son élection. Il avait interdiction d’appliquer son programme parce qu’il était lié par les mémorandums acceptés par ses prédécesseurs. Peu importaient le recul de 25 % du PIB en 5 ans, le taux de chômage à près de 30 %, le double pour les jeunes, et 45 % des Grecs en dessous du seuil de pauvreté. S’est ouverte alors une suite de pseudo-négociations, pendant laquelle la Grèce, qui n’a plus reçu d’aide depuis le 1er août 2014, a versé 13,5 milliards d’euros à ses créanciers.

Durant cinq mois, le gouvernement grec a fait de multiples concessions jusqu’à ses propositions du 9 juillet, entérinées par le Parlement : privatisations (ports du Pirée et de Thessalonique, télécommunications), départ à la retraite à 67 ans et à 62 ans pour 40 ans de cotisations en 2020, excédents budgétaires primaires de 1 % en 2015, 2 % en 2016, 3 % en 2017 et 3,5 % à partir de 2018. Certes, les conventions collectives seront respectées, la TVA n’est pas augmentée sur les biens de première nécessité et sur l’électricité, on commence à imposer les plus riches ainsi que les entreprises bénéficiaires et à gommer les avantages fiscaux des îles. Mais, pour la troïka, réduire le déficit en augmentant les impôts des riches n’est pas de la bonne réforme structurelle, il vaut mieux baisser l’aide aux pauvres, augmenter la TVA et libéraliser le travail. Le référendum n’a pas fait bouger les lignes européennes. Au contraire, la BCE, tout en acceptant que la Banque de Grèce maintienne l’aide d’urgence à la liquidité, en a durci les conditions en augmentant de 10 % la décote des titres collatéraux. Et un prétendu compromis au matin du 13 juillet stipule de s’emparer de 50 milliards de biens publics grecs pour « ouvrir des négociations sur un troisième plan d’aide ».

Tsipras a raison de conditionner les nouveaux sacrifices à un engagement sur la restructuration de la dette. L’endettement extérieur étant lié aux déficits commerciaux et publics conjoints, le délabrement de l’appareil productif, dû à une division par trois de l’investissement en cinq ans, ne peut pas être réparé si le service de la dette engloutit les ressources dégagées. L’allégement de la dette est une condition sine qua non pour que l’économie redémarre. En tant que membre de l’UE, la Grèce a droit aux 35 milliards de fonds structurels bloqués et, si elle obtient une aide de 80 milliards du MES [^2], il faut réduire sa dette pour que le piège ne se referme pas sur elle. La voie étroite suivie par Tsipras a été fermée par l’Union européenne. L’UE étant un désastre, il faut provoquer sa crise. L’«  oxi  » a recueilli 61,3 %. C’est le pourcentage de la dette grecque qui, sans demander la permission, pourrait être immédiatement annulé. C’est aussi à peu près ce que détiennent le FESF [^3], la BCE et le FMI. C’est moins que la part de la dette allemande effacée en 1953.

[^2]: Mécanisme européen de stabilité ayant pris la succession du FESF.

[^3]: Fonds européen de stabilité financière.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

Temps de lecture : 3 minutes