Le fâcheux précédent est-allemand

Un fonds chargé des privatisations avait eu des conséquences désastreuses lors de la réunification.

Rachel Knaebel  • 16 juillet 2015 abonné·es
Le fâcheux précédent est-allemand
© Photo : JOCARD/AFP

C’est une des mesures imposées par la troïka à la Grèce dans l’accord signé le 12 juillet : la création d’un fonds chargé de privatiser les entreprises publiques et de l’immobilier de l’État grec. L’institution agira sous la surveillance des institutions européennes. Il a même été question qu’elle soit implantée au Luxembourg. Ce sera finalement à Athènes. L’idée d’attribuer à un organisme sous pilotage européen la privatisation des actifs de l’État grec pour payer sa dette n’est pas tout à fait nouvelle. Jean-Claude Juncker l’avait déjà émise en 2011. Et à l’époque comme aujourd’hui, le Luxembourgeois prenait comme modèle l’institution allemande qui a conduit les privatisations post-réunification en Allemagne de l’Est, la Treuhand.

La comparaison a paradoxalement de quoi alerter encore un peu plus les Grecs. Car le bilan de la Treuhand a toujours été vivement critiqué outre-Rhin. Sa mission était de mettre aux normes du marché l’économie est-allemande avant de revendre les entreprises. L’institution a ainsi privatisé des milliers d’entreprises d’État de l’ancien régime communiste en seulement quatre ans, de 1990 à 1994. Mais chez les Allemands de l’Est, ces quatre années sont plus associées à un immense démantèlement de leur industrie et de leurs outils de production qu’à une renaissance économique. « Au moment de la réunification, je travaillais dans une laiterie industrielle. Pendant un mois, ma seule tâche a été de détruire les bouteilles en verre que nous utilisions à l’époque. Puis l’entreprise a fermé », se souvient par exemple Petra, une quinquagénaire du nord-est de l’Allemagne au chômage depuis plus de dix ans.

Les privatisations menées par la Treuhand se sont aussi accompagnées de licenciements en masse. Près de 2,5 millions de personnes ont ainsi perdu leur emploi en ex-RDA entre 1990 à 1994. Autre critique : les sites privatisés ont, dans la grande majorité des cas, été vendus à des capitaux ouest-allemands. Au final, ce sont donc les entreprises de l’Ouest du pays qui ont profité de l’opération. Pas les habitants d’ex-RDA, où le taux de chômage est encore de plus de trois points supérieur à celui de l’Ouest (8,8 contre 5,6 %) et la richesse par habitant d’un tiers inférieure.

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