Notre-Dame-des-Landes 2015 : les regards tournés vers la COP 21

Sivens, Roybon, Tafta, TGV Lyon-Turin, etc. Les luttes sociales et environnementales avait rendez-vous à Notre-Dame-des-Landes les 11 et 12 juillet.
_ Notre reportage tout au long du week-end.

Erwan Manac'h  • 11 juillet 2015
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Notre-Dame-des-Landes 2015 : les regards tournés vers la COP 21

Le ciel est au beau fixe sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes, au sens propre comme au sens figuré. Car avec le répit offert par la poursuite des recours juridiques et une mobilisation qui ne faiblit pas, l’espoir d’une victoire finale contre le projet d’aéroport n’est pas feint dans les travées du 15e rassemblement des opposants à l’aéroport.

  • Dimanche, fin de journée :

Les deux jours « d’université populaire » se clôturent avec le témoignage de 3 opposants au programme d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure , une lutte « à la peine » cette semaine.

Une modification de la législation a en effet été votée jeudi avec la loi Macron, sans débat au Parlement, pour faciliter l’installation du programme d’enfouissement[^2]. Cette « navette législative » intervient après 28 tentatives avortées de faire voter pareille loi, selon le décompte des opposants au projet.

« Nous sommes seuls. La machine infernale est en route » , a lancé une militante dans un chapiteau bondé.

Dix jours de regroupement sont prévus du 1er au 10 août sur la commune et un recours est en préparation au tribunal administratif. Les premiers déchets radioactifs ne sont pas attendus avant 2025 dans le sous-sol de Bure.

Mobilisation anti-Tafta

  • 17 h 00 :

    Le traité transatlantique de libre-échange (Tafta) sera un dossier phare du mouvement altermondialiste dans les prochains mois. Les négociations en sont à leur 10e séance et l’objectif initial d’une entrée en fonction en 2015 semble déjà intenable.

Dans le même temps, la France doit ratifier l’accord de libre-échange avec le Canada (Ceta) d’ici à la fin de l’année.

Lire > TAFTA : l’art du compromis social-démocrate contre les citoyens

Une mobilisation de longue haleine s’est engagée auprès des collectivités locales pour obtenir des positions de principe contre le traité. En France, 400 communes et 15 régions se sont déjà déclarées « zone hors Tafta », selon les militants présents au rassemblement.

Une pétition a également recueilli 2,3 millions de signatures en Europe en moins d’un an, grâce notamment à une forte mobilisation de la société civile allemande. « C’est bien plus que ce qu’on pouvait espérer » , se réjouit Frédéric Viale, qui suit le dossier pour Attac France. « Le mouvement social n’est pas en retard.»

Le point sur la mobilisation anti-Tafta avec Frédéric Viale :

COP 21 : comment prévenir « la gueule de bois » ?

  • 16 h 35 :

La Coalition 21 a été créée pour coordonner toutes les organisations engagées contre le réchauffement climatique dans la perspective de la conférence climatique, Cop 21.

Selon la coordinatrice du réseau, Juliette Rousseau, il s’agit d’éviter « la gueule de bois » qui a suivi l’échec du sommet de Copenhague. « On ne va pas dire aux gens de manifester pour influencer une conférence d’où il ne peut pas sortir de véritable solution à la crise climatique » , note la militante. Ce moment doit permettre en revanche d’amplifier « un mouvement large et ancré dans des dynamiques locales » et « de générer des dynamiques de long terme ».

Juliette Rousseau.

Elle détaille le programme des évènements  :

-* 26-27 septembre, organisation d’un forum Alternatiba en Ile de France, pour faire écho aux événements locaux qui se sont multipliés partout en France.
-* 28-29 novembre, première grande manifestation décentralisée dans les capitales du monde entier . Elle aura lieu à Paris le 29 novembre.
-* Les 5 et 6 décembre à Montreuil, le village des alternatives.
-* Du 7 au 11 décembre, au 104 (Paris 19e), une Zone d’action climat (Zac)
-* Une grande manifestation le 12 décembre pour marquer la fin de la conférence climatique par un temps fort.

Les décroissants préparent une « Grève de l’économie » au moment de la COP 21, avec un arrêt de travail, un boycott de la grande distribution et des fournisseurs d’énergie, des journées sans achat et des actions anti-pub.

Dans un tout autre style, un « ClimateGames » est en préparation. Ce jeu, en partie numérique et accessible notamment sur smartphones, est pensé comme une « aventure désobéissante » .

  • 15 h 30 :

Illustration - Notre-Dame-des-Landes 2015 : les regards tournés vers la COP 21

Le débat sur la situation en Grèce a fait le plein, dimanche après-midi, autour d’un représentant de Syriza France.

Au hasard d'une balade dans les allées du rassemblement.

La COP 21, « un rite de désenvoutement » pour multinationales

  • 13 h 30 :
    Plusieurs interventions et ateliers se sont succédés au sujet de la conférence climatique COP 21 , que la France accueillera du 30 novembre au 11 décembre.

Les intervenants sont unanimement septiques sur la probabilité d’un changement substantiel des politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pointant le sponsoring de la COP 21 par Air France et la BNP Paribas notamment, Christine Poupin, du NPA, a fustigé un « salon de nettoyage ; un rite de désenvoutement » .

Or, il y a urgence, souligne Yannick Jadot, eurodéputé EELV. « Avec une augmentation de la température de 2°C, les rendements de l’agriculture devraient baisser de 30 à 40 % en Afrique, continent qui va doubler sa population » , lance l’ancien militant de Greenpeace.

À revers d’une classe politique incapable de prendre la mesure des enjeux historiques, tous les intervenants ont souligné l’importance des solutions locales et des luttes « pour le choix citoyen » .

« Le premier choix est celui du temps. A-t-on besoin d’aller toujours plus vite ? , interroge Martine Billard, coprésidente du Parti de gauche. Nous devons réhabiliter le fait de « prendre son temps » ».

Illustration - Notre-Dame-des-Landes 2015 : les regards tournés vers la COP 21

Concluant sur la lutte de Notre-Dame-des-Landes, Daniel Durand, agriculteur historique du combat et militant à « Copain », a souhaité remercier ironiquement les élus qui soutiennent le projet d’aéroport : « Sans eux, nous n’aurions jamais pu vivre ce que nous vivons. Occuper une ferme, militer avec des « Zadites » d’horizons très différents du nôtre… »

L’artificialisation des terres touche un hectare toutes les cinq minutes

  • 13 h 00 :
    Jean-Christophe Robert, paysan et militant à Filière paysanne est intervenu pour alerter sur le rythme soutenu de l’artificialisation des terres. Avec quelques chiffres :
    -* 40 000 à 90 000 hectares de terres paysannes sont bétonnées ou transformées chaque année en France, « soit un stade de foot toutes les cinq minutes » , note Jean-Christophe Robert[^3].
    -* À l’échelle européenne, ce sont 300 000 à 500 000 hectares qui sont touchés, l’équivalent d’un département français tous les 1 à 2 ans, toujours selon le militant.
    -* Sur le plan planétaire, 20 millions d’hectares sont captés par les projets d’aménagement, soit plus des deux tiers de la surface totale utilisée en France comme terre agricole[^4].

Jean-Christophe Robert.

« La plupart de ces destructions de terre (15 millions d’hectares) concernent les terres arables – les plus fertiles – qui se trouvent dans les deltas ou dans les fonds de vallées » , s’inquiète Jean-Christophe Robert, qui insiste toutefois sur les solutions déjà expérimentées. Au Canada, note-t-il, seule une centaine d’hectares de terres agricoles ont été détruits en trente-six ans, grâce à une loi de zonage agricole qui fixe les terres agricoles et impose des compensations en cas de transformation.

L’enjeu est donc politique et impose de revoir le mode d’aménagement du territoire. « Les communes bétonnent pour attirer des habitants ou des entreprises qui vont payer des impôts et renflouer leurs caisses » , soupire-t-il avant de conclure sur un slogan :

« Qui sème le béton récolte la dalle ».

Center Parc de Roybon : les méfaits du « tourisme sous cloche »

Le tribunal administratif de Grenoble doit rendre jeudi 16 juillet son jugement concernant les recours déposés par les opposants au projet de Center Parc à Roybon (Isère).

Les conclusions du rapporteur public (qui correspondent à un réquisitoire en correctionnel) vont dans le sens d’une annulation de l’arrêté concernant la loi sur l’eau , alors que les opérations d’assainissement ont déjà commencé sur le terrain acquis par Pierre et Vacances pour la construction du complexe touristique – une bulle aquatique censée reproduire un climat tropical.

« Nous avons encore de multiples pistes possibles en cas de rejet de nos recours », assure par ailleurs Stephane Peron, de l’association Chambaran sans Center Parc.

Stephane Peron évoque les enjeux des décisions judiciaires attendues le 16 juillet :

  • Dimanche, 10 h 30 :
    La journée s’ouvre, après un air de cornemuse, sur un hommage à Rémi Fraysse, décédé le 26 octobre 2014 au cours d’un affrontement avec la police, sur la Zad de Sivens.

Jean-Paul Minier, membre de la coordination contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, rend hommage à Rémi Fraysse.

Françoise Verchère, ancienne conseillère régionale Parti de gauche et figure du mouvement, revient ensuite sur le « cavalier législatif de l’apocalypse » qui vient d’être voté avec la loi Macron à l’initiative du député LR Gérard Longuet. Il autorise l’enfouissement de déchets nucléaires à Bure.

Manifestation lumineuse dans le ciel de Notre-Dame-des-Landes

  • Samedi, 2 h 00 :

Second défi de la soirée : un message lumineux a été préparé par l’équipe des « ballons pirates » :

Leurs plans ont fonctionné à un détail près, le ballon ne prend pas suffisamment d’altitude. Il finit sa course dans un grillage après une cinquantaine de mètres suspendus.

  • Samedi, 00 h 30 :

La manifestation lumineuse s’est poursuivie toute la soirée sur le site du rassemblement.

Comme en 2014, elle était coorganisée par Michel Bernard, natif de Notre-Dame-des-Landes aujourd’hui résident de Redon (Ille-et-Vilaine). Sculpteur et cerfvolantiste, il souhaite « occuper le ciel » qui était surtout quadrillé, au-dessus de la Zad, par des hélicoptères.

  • 23 h 15 :
    Une manifestation lumineuse commence dans le ciel de Notre-Dame-des-Landes, avec un lancé de lanterne :

Un second lancé, collectif cette fois, été effectué un peu plus tard dans la soirée.

La Zad à une semaine du « premier round »

Vendredi 17 juillet, le tribunal administratif doit communiquer ses conclusions pour 17 recours ayant trait à la loi sur l’eau, la protection des espèces protégées et le programme de voirie (« Viaire »). Le rapporteur public a conclu sur un rejet des recours. Si ses conclusions sont suivies par le tribunal, cela sonnerait le début des travaux , claironne les Ailes de l’ouest, association des défenseurs du projet d’aéroport.

Illustration - Notre-Dame-des-Landes 2015 : les regards tournés vers la COP 21

« Il ne se passera rien le 18 juillet ! » , tonne en retour un militant entre deux concerts, depuis la scène qui jouxte l’entrée du site du rassemblement. « J’ai l’habitude de dire que c’est un match en 3 sets » , s’amuse un membre de l’Acipa, association d’opposants au projet d’aéroport, rappelant qu’il leur restera encore la possibilité d’un appel et d’une requête au Conseil d’État.

La justice doit également examiner de nombreux recours engagés ou à venir notamment contre les arrêtés de défrichage et les permis de construire qui n’ont pas encore été publiés. « Cela équivaut à trois ans de procédure, voire plus si on se base sur le rythme de la juridiction européenne » , indique Julien Durand, porte-parole de l’Acipa.

  • Au stand de Pour Politis :

L’association Pour Politis est présente dans les allées du rassemblement, pour promouvoir Politis , son indépendance et son engagement.

Illustration - Notre-Dame-des-Landes 2015 : les regards tournés vers la COP 21

  • Samedi, 19 h 40 :

    Illustration - Notre-Dame-des-Landes 2015 : les regards tournés vers la COP 21

    Berthe (à gauche) a participé à la campagne de « pétition photo » lancée par le collectif brestois de soutien à la lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. L’initiative a été mise en sommeil il y a un an avec 12 000 signatures au compteur « et 6 millions de vues sur FlickR » , lance Berthe.

  • Samedi, 18 h :

Marcel Thebault.

Les réflexions s’approfondissent sur l’après lutte, lorsqu’un hypothétique abandon du projet ouvrira une page nouvelle pour les hectares tombés dans l’escarcelle de Vinci.

« Je n’ai qu’une crainte, lance un occupant depuis le chapiteau bondé où se tient le débat sur l’avenir de la Zad, c’est qu’une fois abandonné l’aéroport, la lutte soit elle aussi abandonnée. La chambre d’agriculture pourrait expulser les agriculteurs pour faire de l’élevage intensif. »

« Le jour où on gagne, il y aura urgence à dire ce qu’on veut faire sur le foncier » , prévient donc Marcel Thebault, un des derniers agriculteurs en activité sur la Zad.

Les occupants de la Zad ont donc déjà remis en culture une partie des terres appartenant à Vinci, pour un total de 220 hectares en exploitation sur la zone. Ils ont encore semé collectivement, fin mai, des parcelles de blé noir.

Lire > Notre-Dame-des-Landes : Nantes-Atlantique, la bonne piste
Lire > Notre-Dame-des-Landes : un TGV pour l’aéroport fantômeComme le veut la tradition, la coordination des opposants à l’aéroport accueille de nombreux invités tout au long du week-end. Le collectif rhonalpin Chambaran sans Center Parcs (PCSCP) était à l’honneur ce samedi, pour mettre dans la lumière sa lutte contre le « tourisme sous cloche » qui doit s’installer sur 200 hectares de terre dans la commune de Roybon (à suivre).

Illustration - Notre-Dame-des-Landes 2015 : les regards tournés vers la COP 21

[^2]: La réversibilité du projet du projet de stockage de déchets nucléaires en couche géologique (Cigéo) doit permettre aux générations futures de récupérer, pendant une période donnée, les colis stockés. De ce fait, la phase de test de Cigéo peut continuer selon le planning établi par l’Andra (Agence nationale de gestion des déchets radioactifs), explique France 3

[^3]: selon des chiffres de l’Observatoire national de la consommation des espaces agricoles

[^4]: chiffres FAO

Écologie
Temps de lecture : 13 minutes
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