Une police anti-chômeurs

Pôle emploi crée un nouveau dispositif de contrôle de ses allocataires. Avec en perspective de nombreuses radiations.

Politis  • 1 juillet 2015 abonné·es
Une police anti-chômeurs
© Photo : HUGUEN/AFP

Alors que Pôle emploi est confronté à un afflux inédit de demandeurs d’emploi, la direction a annoncé, le 20 mai, la création d’un corps de 200 contrôleurs, recrutés parmi les quelque 22 000 conseillers chargés de l’accompagnement. Or, ceux-ci « sont en sous-effectif chronique. D’ailleurs, peu d’agents se précipitent sur les postes de contrôleurs à pourvoir », pointe Jean-Charles Steyger, membre du bureau national du SNU-FSU, syndicat majoritaire à Pôle emploi. Chantal Gautier, présidente du Mouvement national des chômeurs et des précaires (MNCP), dénonce une « chasse aux chômeurs », et les associations de chômeurs et les syndicats majoritaires à Pôle emploi [^2] ont exigé le 24 juin, lors d’une conférence de presse, « le retrait » de ce nouveau dispositif. « Dans la loi, il est marqué que les demandeurs d’emploi doivent chercher un emploi. Pôle emploi doit contrôler, c’est normal d’appliquer », a défendu François Rebsamen, ministre du Travail, promettant que l’objectif n’était pas de « modifier les chiffres du chômage », mais de mieux accompagner les chômeurs de longue durée.

Pôle emploi ne fait pourtant pas mystère de l’effet recherché du contrôle dans le document validé le 20 mai en conseil d’administration : « Si le doute persiste, […] le cas échéant, la procédure de radiation  […] est engagée » par les chefs d’équipe. Les sanctions prévues vont de 15 jours à six mois de retrait des allocations-chômage. Dans ce cas précis, la personne sanctionnée a deux mois pour déposer un recours en agence. Officiellement, Pôle emploi prévoit de généraliser le contrôle des chômeurs à partir du mois d’août, après une expérimentation en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, en Franche-Comté et en Poitou-Charentes. « L’expérimentation a eu lieu en fait dans quatre régions. La Basse-Normandie n’est pas citée et n’apparaît pas officiellement car le directeur du pôle refusait la radiation des demandeurs d’emploi », rectifie Catherine Quentier, responsable d’Agir ensemble contre le chômage (AC !). Les radiations ont augmenté de 35 % en moyenne dans les régions tests : « Plus de 90 % des radiations sont dues à des absences lors des convocations », ajoute Catherine Quentier. Les contrôles seront effectués de manière ciblée, aléatoire ou sur recommandation d’un conseiller. Le chômeur visé pourra être soumis à un questionnaire dans lequel il devra détailler les démarches qu’il a effectuées pour trouver du travail (candidatures, entretiens d’embauche, etc.). La période de contrôle à laquelle sera soumis le demandeur d’emploi pourra durer jusqu’à 45 jours.

Le nouveau dispositif est loin de faire l’unanimité, y compris au sein de Pôle emploi. Deux syndicats (CGT et FO) se sont abstenus en conseil d’administration. « Ce projet aberrant fait s’opposer les chômeurs et les conseillers, alors que les pressions s’exercent des deux côtés du guichet ! », commente Philippe Sabater, du SNU-FSU. « Ce projet ne fait que rendre les chômeurs encore plus dépendants et à la merci de Pôle emploi. En réalité, beaucoup d’entre eux souhaiteraient être autonomes dans leur recherche », estime Rose-Marie Péchallat, membre de Recours radiation. En outre, Pôle emploi devient juge et partie : « C’est à se demander s’il n’y a pas conflit d’intérêts », signale Philippe Sabater. En effet, si le rôle premier de Pôle emploi est d’aider et d’indemniser les chômeurs, l’apparition de ce corps de contrôleurs lui permettra de radier à tout-va. « C’est vouloir gagner de l’argent sur le dos des chômeurs ! », affirme Catherine Quentier. Les syndicats et les associations de chômeurs veulent « démontrer l’absurdité de cette création d’une véritable police anti-chômeurs au sein de Pôle emploi ». La bronca ne fait que commencer : le comité central d’entreprise de Pôle emploi sera consulté sur la généralisation du contrôle le 9 juillet. Un rendez-vous surveillé de près par les syndicats et les associations.

[^2]: AC !, Apeis, CIP-IDF, CIP-Midi-Pyrénées, MNCP, Recours radiation, SNU-FSU, Solidaires SUD-Emploi, SUD Culture.

Société Travail
Temps de lecture : 4 minutes

Pour aller plus loin…

Tour de France : Franck Ferrand, commentateur réac’ toujours en selle
Médias 11 juillet 2025

Tour de France : Franck Ferrand, commentateur réac’ toujours en selle

Cette année encore, France Télévisions a reconduit Franck Ferrand aux commentaires en charge du patrimoine lors du Tour de France. L’historien, très contesté, fan de Zemmour et de thèses révisionnistes, n’hésite pas, insidieusement, à faire passer ses idées.
Par Pierre Jequier-Zalc
La CGT et le Tour de France : quand sport et luttes se marient bien
Luttes 11 juillet 2025

La CGT et le Tour de France : quand sport et luttes se marient bien

Si le Tour de France est avant tout un événement sportif, il permet aussi à des luttes sociales et politiques de mettre en avant leur combat. Comme lundi dernier, à Dunkerque pour sauver les emplois d’ArcelorMittal.
Par Pierre Jequier-Zalc
« Ils parlent d’échange de migrants comme si les personnes étaient des objets »
Entretien 11 juillet 2025 abonné·es

« Ils parlent d’échange de migrants comme si les personnes étaient des objets »

Alors qu’un accord d’échange des personnes exilées a été trouvé entre la France et le Royaume-Uni, Amélie Moyart, d’Utopia 56, revient sur les politiques répressives à la frontière et le drame qui a conduit l’association à porter plainte contre X pour homicide involontaire.
Par Élise Leclercq
Terrorisme d’extrême droite : derrière le site d’AFO, Alain Angelini, soutenu par le RN en 2020
Enquête 10 juillet 2025 abonné·es

Terrorisme d’extrême droite : derrière le site d’AFO, Alain Angelini, soutenu par le RN en 2020

L’homme, alias Napoléon de Guerlasse, est l’administrateur du site Guerre de France, qui servait au recrutement du groupe jugé pour association de malfaiteurs terroriste. Militant d’extrême droite soutenu par le parti lepéniste aux municipales de 2020, son absence au procès interroge.
Par Pauline Migevant