Programmes scolaires : Quel temps pour la concertation ?

Les nouveaux programmes sont plutôt bien perçus par les profs, mais les effectifs élevés et un certain flou compliquent leur tâche.

Ingrid Merckx  • 2 septembre 2015 abonné·es

Un professeur de collège et deux enseignantes de premier degré font le point sur cette rentrée, entre anciens et nouveaux programmes, satisfactions et inquiétudes.

Jean-Riad, professeur d’histoire-géographie à Chelles

Je ne comprends pas l’émoi des collègues qui crient à la disparition des Lumières dans les nouveaux programmes d’histoire au collège : on peut très bien en parler dans le chapitre sur la Révolution. Le programme de géographie était vraiment très redondant, surtout en 5e. Celui d’histoire n’était pas mal découpé, mais il était surchargé, notamment en 3e, où nous avions un an pour étudier le XXe siècle ! Cela laissait une heure pour la décolonisation et obligeait à choisir entre l’Inde et l’Algérie. À ce propos, je reste frappé du manque de recul des manuels sur la guerre d’Algérie : ils traitent de la période 1954-1962, laissant de côté le massacre de Sétif. Ce qui me chagrine, par ailleurs, c’est la suppression d’un volet sur les grandes civilisations – chinoises et indiennes en 6e, africaines en 5e –, qui apportaient beaucoup de fraîcheur et permettaient de valoriser les cultures d’origine. Pour ma part, je proposais le Mali : sur cette histoire très orale, on travaillait un peu différemment, en utilisant des récits de griots, par exemple. Les EPI entraînent un allégement de 20 % des programmes, il fallait bien supprimer des chapitres mais il aurait fallu davantage réfléchir auxquels. Pourquoi rayer celui sur l’évolution du système de production en 3e ? Il en disait long sur l’histoire de l’immigration. Pour certains, les EPI vont servir à travailler sur la méthode, à refaire de l’aide aux élèves, à colmater les brèches. C’est surtout sur l’accompagnement personnalisé et le travail en petit groupe que vont se jouer les différences entre les établissements. Dans mon collège, les EPI ne nous inquiètent pas : on va y transférer la manière dont on travaille en itinéraire de découverte (IDD). En revanche, mon « club journal » va changer de forme, car je ne pourrai plus voir toutes les classes en même temps. Enfin, le fonctionnement par cycles me paraît une bonne chose, surtout pour les élèves de 6e, mais à condition qu’on ait le temps de se concerter avec les enseignants de CM2 ! [L’ensemble CM1-CM2-6e constitue désormais un cycle « de consolidation », NDLR.]

Ahlem, professeure des écoles, Montfermeil

Du temps de concertation, c’est ce qui manque le plus. Désormais, la maternelle est conçue comme un cycle à part entière : cela nécessiterait des réunions entre les enseignants de grande section et ceux du CP. D’autant que le fossé entre ces deux classes s’élargit. Plus de jeu en CP ? Cela stresse enfants et parents. Et le programme est devenu colossal : en numération, on va jusqu’à 99 et les élèves doivent apprendre les majuscules en plus des minuscules. Comme on passe le premier trimestre à rattraper la coupure de l’été, cela laisse peu de temps pour l’ensemble du programme. Ce qui fait du CP une classe très difficile.

Nelly, professeure des écoles, Blois

Les nouveaux programmes de maternelle entrent en application dès cette rentrée, mais aucun enseignant ne les a reçus ! Et aucun n’y a été formé. Nous nous préparons donc seuls. Mais ils vont dans le bon sens : ils mettent en valeur l’élève, l’envie et le plaisir d’apprendre. Le jeu est remis au centre des apprentissages. Si la grande section reste une préparation au CP, chaque élève se prépare en fonction de ses capacités et non d’un programme. Reste qu’avec une moyenne de 31 enfants par classe, difficile de faire de l’accompagnement individuel, comme préconisé, ou de solliciter les « petits parleurs ». Sans compter que les Atsem (attachés territoriaux spécialisés de l’école maternelle) sont de moins en moins présents. Du fait de la multiplication des tâches ou des restrictions budgétaires, rares sont les écoles qui en comptent un par classe. Si on avait 20 ou 25 élèves, on arriverait à tenir les objectifs, mais le ministère n’a pas tenu les siens en termes d’embauche.

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