Philippe Soirat : Trait d’union

Le premier album du batteur Philippe Soirat sous son nom.

Ingrid Merckx  • 28 octobre 2015 abonné·es

Ce serait comme pousser la porte capitonnée d’un studio ou d’un club. S’inviter à un enregistrement, ou débarquer en plein milieu d’un set. Il y a un côté immédiat, instantané dans You Know I Care. Une impression de live mais avec le son « rond » d’un studio. « Mettre des musiciens dans une même pièce, leur jeter en pâture quelques-uns de ces standards du jazz moderne qui sont inscrits dans leurs gènes… », présente Vincent Bessières, spécialiste de jazz. Pour son premier album sous son nom, le batteur Philippe Soirat, sideman sur une cinquantaine d’albums, a réuni David Prez au sax ténor, Vincent Bourgeyx au piano et Yoni Zelnik à la contrebasse, pour jouer neuf standards et deux compositions : celle du saxophoniste, « Ants Get Sip », et la sienne, « Dear Jean », danse solitaire à la batterie.

Cela crée un effet d’attente sur ses solos qui introduisent de l’espace comme dans « Ezz-Thetic », morceau de George Russell, batteur et théoricien du jazz modal, et insufflent de l’énergie comme dans le lancement de « Woody’n You » (Dizzy Gillespie). L’exposé des thèmes est souvent assez voisin du climat original, comme dans « Ugly Beauty », seul morceau de Thelonious Monk à trois temps, « Valse Triste » (Wayne Shorter), ou « The Eye of The Hurricane » (Herbie Hancock) qui ouvre hardiment le disque. S’ils ne chamboulent pas les structures ou les styles, sauf peut-être dans « You Know I Care », où le lead initial du Duke Pearson Nonet à la flûte sonne nettement moins « new-yorkais », le quartet glisse d’un titre à l’autre en suivant le fil du son lumineux et proche qu’ils ont su créer et qui unit tous ces compositeurs. Pas de hasard si ce disque paraît chez Paris Jazz Underground Records. Un label indépendant fondé par des musiciens, dont David Prez et Yoni Zelnik, affirmant liberté artistique et projet collectif.

Musique
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