Torpiller Pisa

Erwin Wagenhofer dénonce un système éducatif fondé sur la compétition.

Ingrid Merckx  • 21 octobre 2015 abonné·es

Les pédagogues trouveront qu’Erwin Wagenhofer enfonce des portes ouvertes. De même que les agriculteurs bio ne sont pas tombés des nues devant We Feed the World, sur la crise alimentaire, premier volet de sa « trilogie de l’épuisement », le deuxième, Let’s Make Money, portant sur la crise financière. Dans Alphabet, le documentariste dénonce un système éducatif mondial fondé sur la compétition. Tuant dans l’œuf l’imagination, la créativité, le génie que chacun possède en venant au monde. Le propos liminaire semble naïf, et le parallèle que le cinéaste autrichien opère entre l’école et la multinationale – la seconde ayant tordu la première pour former des petits soldats du capital – se révèle trop systématique. Mais Alphabet recèle une galerie de portraits incroyables, servis par une écriture astucieuse qui fonctionne par association d’idées. Ainsi, restent en mémoire des idées sur des images : ce pédagogue chinois qui remet en cause le modèle Pisa dans une école d’un quartier populaire ; ces bébés de 6 mois choisissant le personnage solidaire plutôt que le brutal dans un mini-spectacle en Allemagne ; l’ombre de cet universitaire trisomique espagnol sur un trottoir…

« L’enfant apprend seul, il faut seulement accompagner. » C’est la leçon déstabilisante du couple Stern. Arno Stern ayant créé, après guerre, un endroit magique où peindre sans contrainte, théorisant sur le jeu comme moteur des apprentissages. Mais quid des vertus de l’instruction ? Faut-il « laisser faire »  ? L’éducation moderne n’est-elle qu’entrave et culte de la performance ? Une des limites d’ Alphabet, c’est le risque de s’en tenir à l’utopie ou à la marginalité. L’autre, c’est le lissage. Comme si toutes les politiques éducatives se valaient dans le monde impitoyable de Pisa… Comme si toutes les écoles étaient aux ordres.

Cinéma
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