« Bruit noir » : Humour plombé

Bruit noir, de Pascal Bouaziz et Jean-Michel Pirès. Entre rire et douleur.

Jacques Vincent  • 16 décembre 2015 abonné·es

Dans ce premier volet d’une trilogie qui, dans une démarche oulipienne, attribuera à chaque album une contrainte particulière, l’environnement musical se cantonne à la batterie et aux cuivres, mais en explorant les possibilités des instruments pour parer chaque chanson d’une atmosphère propre. Signé Pascal Bouaziz et Jean-Michel Pirès, respectivement chanteur et batteur de Mendelson, l’album commence par une mise en abyme, un miroir funèbre. Un requiem pour Pascal Bouaziz par Pascal Bouaziz. Pas n’importe lequel : « un requiem avec beaucoup de batterie et beaucoup de bruit ». Pas très catholique, donc. Voix haletante pour décrire un événement où l’étonnement le dispute à l’émotion. Et ciel plombé. Après avoir parlé de lui à la troisième personne, le narrateur revient à l’aire du « je », territoire intime. Pour un autre genre de requiem, constat amer d’un amour défunt.

Après un triple CD de Mendelson culminant dans les 55 minutes de l’extraordinaire « Les Heures », Bruit noir fait la surprise de compositions réduites à 3 ou 4 minutes. Et celle de l’humour. « L’humour, c’est quand on rit aussi », disait Mark Twain. Effectivement, on rit « aussi » à l’écoute de ce disque. On rit des humeurs de l’auteur quand il parle de ses détestations sur un ton grincheux réjouissant. Qu’il se désole de l’horreur de la vieillesse, prenant pour exemple Lou Reed collaborant avec Metallica, ou affiche sa détestation des vols low cost. On rit moins quand il peint les gestes répétitifs d’un employé d’abattoir. Et plus du tout sur l’« Adieu » terrible et glaçant à une enfance meurtrie. Plus que tout, on salue encore une fois la liberté de ton et de forme de ces compositions. Une vision singulière, loin des chemins balisés.

Musique
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