Burundi : la crainte d’un génocide

Les événements des 11 et 12 décembre ont fait des centaines d’arrestations et de tués. Dans l’attente de l’envoi de troupes par l’Union africaine, la communauté internationale multiplie les mises en garde.

Chloé Dubois (collectif Focus)  • 18 décembre 2015 abonné·es
Burundi : la crainte d’un génocide
© Photo : ANADOLU AGENCY / YVAN RUKUNDO - le 4 décembre 2015 - Bujumbura, Burundi

Rien ne semble arrêter la folie meurtrière qui agite le Burundi. Depuis le mois d’avril, le conflit meurtrier opposant le président Nkurunziza à ses opposants a fait au moins 400 victimes. Plus de 200.000 autres auraient trouvé refuge dans les pays voisins. Selon les Nations unies, le bilan serait «considérablement plus élevé» . Inquiètes et soucieuses de prévenir tout risque de massacre, l’Union africaine (UA) et l’ONU – encore traumatisées par leurs échecs à prévenir le génocide rwandais en 1994 – souhaitent une mobilisation rapide.

A la suite des événements des 11 et 12 décembre, durant lesquels des centaines de personnes ont été arrêtées, et tuées, la communauté internationale multiplie les mises en garde. Si le Conseil de paix et de sécurité de l’UA a demandé l’envoi de troupes au Burundi, afin de protéger les civils, cette décision reste soumise à l’accord de Bujumbura, ou à celui des deux tiers des chefs d’État africains. Il est cependant probable que le gouvernement burundais, qui ne cesse de s’offusquer des appels et des condamnations de la communauté internationale, ne souhaite pas voir un déploiement militaire sur son sol.

Depuis le mois d’avril, et l’annonce du président Pierre Nkurunziza de se présenter à un troisième mandat, un mouvement de révolte populaire soulève le pays. En quelques semaines, des dizaines de manifestants opposés à cette candidature sont tués. Jugée anticonstitutionnelle par la société civile, les opposants au régime, et une partie du camp gouvernemental, cette décision a brisé un équilibre fragile, dans l’une des régions les plus instables du continent africain, celle des Grands Lacs.

A la suite de la tentative de coup d’État militaire , la contestation change véritablement de visage le 13 mai. Le général Godefroid Niyombare, ex-chef des services de renseignements, a tenté de renverser le pouvoir en proclamant la destitution du président, dont il fut un proche. Cette annonce a immédiatement été démentie depuis la Tanzanie, où M. Nkurunziza tentait de «résoudre» la crise burundaise lors d’un sommet régional.

C’est dans un climat de peur et de répression que l’homme fort du Burundi a réussi à assoir sa légitimité en juillet dernier, en remportant l’élection présidentielle, malgré une grande hostilité citoyenne. Loin de s’apaiser, la violence s’est accrue au Burundi, pays voisin du Rwanda, où les rivalités entre Tutsis et Hutus ressurgissent.

Une rhétorique mortifère

Depuis plusieurs mois déjà, les discours gouvernementaux se sont durcis à l’égard des protestataires. Si la répression découle d’une grave crise politique, le président a changé sa rhétorique et menace désormais une partie de sa population. Après de nombreux avertissements et ultimatums, Pierre Nkurunziza a averti que la police serait autorisée à «user de tous les moyens» , pour forcer les insurgés à déposer les armes.

De le même façon, au mois d’octobre, le président du Sénat, Révérien Ndikuriyo, a menacé de «pulvériser les quartiers» rebelles de Bujumbura. «Aujourd’hui, les policiers tirent dans les jambes, a t-il ajouté, mais le jour où on va leur dire de «travailler», ne venez pas pleurer.» Cet appel au meurtre à peine voilé fait directement allusion au génocide rwandais de 1994. En seulement trois mois, 800.000 personnes, majoritairement des Tutsis, ont été massacrées par les miliciens Hutus, eux aussi, enjoints à bien «travailler» .

Au lendemain de ces déclarations, de nombreux Tutsis, habitants les quartiers contestataires de la capitale, se seraient réfugier à la périphérie de Bujumbura.

Pris dans l’engrenage de la violence , ni le gouvernement, ni les rebelles ne semblent vouloir poser les armes. Ce week-end, les affrontements, qui auraient duré plusieurs heures selon les témoignages, ont fait quelque 90 victimes (bilan officiel). Des centaines de jeunes hommes auraient par ailleurs été arrêtés dans la capitale, tandis que d’autres ont été retrouvés gisant dans les rues. Mercredi, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon avait estimé que le Burundi était «au bord d’une guerre civile qui risque d’embraser toute la région» . Reste à savoir ce qui sera mis en place pour protéger les civils et les habitants de ces quartiers visés par le régime.

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