État d’urgence : « Le mouvement social est entravé »

En dépit de l’urgence, les militants engagés pour le climat ne sont pas écoutés par le gouvernement.

Patrick Piro  • 2 décembre 2015 abonné·es
État d’urgence : « Le mouvement social est entravé »
Christophe Aguiton Militant d’Attac.
© Mustafa Sevgi/Anadolu Agency/afp

Alors que les mobilisations de dimanche dernier, notamment la chaîne humaine parisienne, se sont déroulées dans le calme, le gouvernement s’est focalisé sur les incidents place de la République.

Avez-vous le sentiment d’une incompréhension de la part du gouvernement ?

Christophe Aguiton : La situation est paradoxale : alors que les opinions publiques, dans la plupart des pays, sont aujourd’hui convaincues que le dérèglement climatique est une question cruciale qu’il faut régler, qui se préoccupe de la fragilité du mouvement social sur ce sujet ? Il existe des mobilisations environnementales ou d’opposition aux grands projets inutiles, mais, sur le climat, elles sont encore dans la petite enfance. Or, sans mouvement social, sans mobilisation organisée des citoyens, sans prise de conscience collective qu’il faut changer nos comportements, la transition énergétique ne se fera pas ! Imagine-t-on imposer des tickets de rationnement de viande de bœuf pour y parvenir ? Ce n’est pas dans ce type de société que nous voulons vivre. Dans l’intérêt général, pour une transition apaisée et un minimum consensuelle, nous avons tous besoin d’un mouvement social mobilisé sur le climat. Aussi, la manière dont le gouvernement considère cette construction et se comporte vis-à-vis d’un mouvement qui démarre à peine nous pose un vrai problème. Ainsi, il ne nous a fait aucune proposition adéquate en remplacement de la marche initialement prévue. Par exemple, pourquoi n’a-t-il pas été envisagé sérieusement de nous donner accès à un stade pour un rassemblement qu’il aurait été facile de sécuriser ?

La chaîne humaine, la plus délicate des mobilisations soutenues par la Coalition climat 21, a pourtant été un succès…

Le 29 novembre, il y a eu aussi « Marchez pour nous », sur Internet, ou la collecte des chaussures pour symboliser le parcours de la marche annulée. Mais, en dépit de l’urgence et d’une incertitude qui ont pesé jusqu’au bout, en dépit du climat d’inquiétude et de la menace de six mois de prison pour les contrevenants à l’interdiction de manifester, nous pensons avoir gagné notre pari avec 10 000 participants à la chaîne. Tout aussi intéressant : la forte mobilisation des autres pays, qui n’avaient pas la motivation de recevoir la COP 21. Plus de 600 000 personnes ont manifesté dans le monde. Cela fait écho à la manifestation climatique de référence, qui a drainé 400 000 personnes le 21 septembre 2014 à New York pendant le sommet climatique du secrétaire général de l’ONU, une affluence jamais relevée depuis la guerre du Vietnam.

Comment jugez-vous la réaction du gouvernement aux échauffourées de la place de la République ?

La Coalition climat 21 n’a évidemment rien à voir avec ces actes de violence. Dès lors, on peut s’interroger sur la manière dont le gouvernement a traité la situation. Sur 316 gardes à vue, l’immense majorité concernait des personnes restées sur la place pour protéger le mémorial et les manifestants pacifiques ! Alors que les incidents n’ont provoqué aucun blessé ni dégradations matérielles. De même pour les assignations à résidence, prévues pour les jihadistes potentiels, pas pour les militants de causes sociales ou écologiques ! Ce gouvernement ne s’attache qu’au traitement sécuritaire des mobilisations. L’exécutif, depuis l’élection de François Hollande, manifeste avec constance son indifférence envers le mouvement social, les syndicats, et la société civile dans son ensemble, qui ne font absolument pas partie de ses priorités. Maintenant, il nous faut réussir les prochaines mobilisations [^2] !

[^2]: Le Sommet citoyen pour le climat à Montreuil (5 et 6 décembre), la Zone d’action pour le climat au Centquatre à Paris (du 7 au 11) et la mobilisation massive du 12 décembre.

Société Écologie
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