La taxe sur les transactions financières de report en report

Dix Etats européens, sur onze, ont repoussé à juin 2016 un éventuel accord sur un projet flou et sans ambition pour la création d’une taxe européenne sur les transactions financières.

Thierry Brun  • 8 décembre 2015
Partager :
La taxe sur les transactions financières de report en report
© Photo: Opérateurs dans une salle de marché à Francfort en juin 2015 (AFP PHOTO / DANIEL ROLAND)

Après deux longues années de négociations dans le cadre d’une coopération renforcée, les onze pays européens décidés à mettre en œuvre une taxe sur les transactions financières (TTF) ne sont plus que dix, l’Estonie ayant quitté les négociations. Ils espèrent désormais aboutir d’ici à l’été 2016.

Lors du conseil européen des affaires économiques et financières qui s’est tenu le 8 décembre, les dix Etats n’ont discuté que d’un accord partiel sur la TTF et butent sur l’opposition de Londres, vent debout contre ce projet. La mise en place d’une telle taxe était initialement prévue pour janvier 2016 mais les discussions sont très difficiles au sein du petit groupe de pays décidés à la mettre en œuvre, ainsi qu’avec les autres pays européens, qui craignent des retombées sur leurs économies.

« Les Etats ont repoussé l’accord final à juin 2016** , ce qui risque encore une fois de repousser la collecte effective d’une telle taxe. A ce rythme, la TTF risque de ne pas voir le jour avant 2018 et de laisser François Hollande sur un nouvel engagement de campagne non tenu »* , relève Oxfam France. L’ONG constate que « le projet présenté ne fait aucune mention de l’affectation du produit de la taxe. François Hollande s’était pourtant engagé à plusieurs reprises à convaincre ses homologues européens d’en consacrer une grande partie aux enjeux de solidarité internationale, notamment à la lutte contre le changement climatique » .

De son côté, le ministre français des Finances, Michel Sapin s’est félicité qu’une « étape essentielle vient d’être franchie » . Ce texte « ouvre la voie à un accord » mais « cela ne veut pas dire que nous avons réglé la question de la mise en œuvre » , a tempéré Hans-Jörg Schelling, le ministre autrichien, dont le pays pilote les discussions. « L’objectif est de clarifier toutes les questions encore ouvertes pendant le premier semestre 2016 et ensuite chaque pays va décider s’il veut continuer ou pas » , a-t-il ajouté.

Vers une TTF de façade ?

« On nous rassure** en nous disant que la taxe s’appliquera à la base la plus large possible, mais on ne dit pas quels produits dérivés seront concernés. Or la taxation des activités les plus spéculatives pourrait rapporter jusqu’à 21 milliards d’euros ! »* , pointe Alexandre Naulot, d’Oxfam France. « Nous refusons une TTF en trompe-l’œil. Sur l’assiette, plusieurs exemptions ont été annoncées mais sans plus de précisions , alerte Khalil Elouardighi, directeur de plaidoyer à Coalition PLUS. Et pour que la taxe ait un réel impact, les taux ne doivent pas être plus bas que ceux proposés par la Commission européenne. Des taux plus faibles que 0,1% sur les actions et 0,01% sur les dérivés conduiraient à anéantir les effets anti-spéculatifs de la taxe et à réduire ses recettes à peau de chagrin. »

Contrairement aux demandes des associations, aucun objectif de recettes pour la future TTF européenne n’a été fixé par Michel Sapin et ses homologues. Pourtant, la Commission européenne estimait que la taxe devait rapporter 34 milliards d’euros par an. « Tant que des taux ambitieux ne sont pas actés, le spectre d’une TTF réduite à peau de chagrin n’est pas définitivement éloigné » , craint Coalition PLUS. « Le Président François Hollande doit désormais affirmer son leadership. S’il veut une taxe ambitieuse et solidaire sous son mandat (en 2017), il doit non seulement passer la vitesse supérieure, mais aussi acter d’une méthode claire d’ici la fin de la COP 21 » , exige Oxfam France.

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

« Au Soudan, il faudra bien, tôt ou tard, imposer un cessez-le-feu »
Entretien 7 novembre 2025 abonné·es

« Au Soudan, il faudra bien, tôt ou tard, imposer un cessez-le-feu »

Clément Deshayes, anthropologue et chercheur de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et spécialiste du Soudan, revient sur l’effondrement d’un pays abandonné par la communauté internationale.
Par William Jean et Maxime Sirvins
Comment la guerre au Soudan révèle les failles du contrôle mondial des armes
Soudan 7 novembre 2025 abonné·es

Comment la guerre au Soudan révèle les failles du contrôle mondial des armes

Les massacres commis à El-Fasher illustrent une guerre hautement technologique au Soudan. Derrière le cliché des pick-up dans le désert, une chaîne d’approvisionnement relie Abou Dabi, Pékin, Téhéran, Ankara et même l’Europe pour entretenir l’un des conflits les plus meurtriers de la planète.

Par William Jean et Maxime Sirvins
« Un espoir s’est levé avec la victoire de Mamdani à New York »
La Midinale 5 novembre 2025

« Un espoir s’est levé avec la victoire de Mamdani à New York »

Après la victoire du candidat socialiste dans la capitale économique du pays dirigé par Donald Trump, Tristan Cabello, historien spécialiste des Etats-Unis, est l’invité de « La Midinale ».
Par Pablo Pillaud-Vivien
À New York : « J’ai voté pour la première fois aux élections municipales et c’était pour Mamdani »
Reportage 5 novembre 2025 abonné·es

À New York : « J’ai voté pour la première fois aux élections municipales et c’était pour Mamdani »

Le candidat démocrate Zohran Mamdani, inconnu il y a un an, a été élu maire de la plus grande ville des États-Unis, grâce à une forte participation et à une campagne fondée sur les problématiques sociales.
Par Sarah Laurent