Californie: une gigantesque et dangereuse fuite de méthane

Claude-Marie Vadrot  • 8 janvier 2016
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Californie: une gigantesque et dangereuse fuite de méthane
© Photo: Puits de pétrole au Texas (Spencer Platt/Getty Images/AFP)

La Californie vit depuis plusieurs mois une catastrophe écologique qui menace la santé des habitants de la région de Los Angeles et contribue fortement à l’augmentation de l’effet de serre. Le plus grave des accidents pétroliers enregistrés dans l’histoire des Etats-Unis : une fuite de méthane et de mercaptan. Elle a déjà entrainé l’évacuation de plus plusieurs milliers d’habitants autour du forage Aliso Cañon et a déjà provoqué le relâchement dans l’atmosphère, depuis le mois d’octobre, de dizaines de milliers de tonnes de gaz. L’équivalent chaque jour de la pollution de 7 millions d’automobiles et des trois-quarts des émissions quotidiennes de l’industrie pétrolière de la Californie. L’équivalent aussi, à ce jour, de la catastrophe d’avril 2010 du golfe du Mexique qui avait provoqué la mort de 11 personnes et pollué durablement la région et l’atmosphère pendant trois mois.

En dépit de ses efforts et de ses promesses , la société (la Southern Californian Gas Company) qui a dissimulé pendant des semaines cet accident, ne parvient pas à colmater une fuite qui illustre le vieillissement de ses installations et de nombreux forages d’hydrocarbures de la région : une cinquantaine dont une quinzaine rejetait également discrètement du méthane, selon les révélations des services fédéraux de surveillance des pollutions. La plupart des installations datent de plus d’une cinquantaine d’années et sont en général très mal entretenues. Les deux produits répandus ont des conséquences vingt-cinq à quarante fois supérieures au gaz carbonique sur l’effet de serre; de plus, le mercaptan reconnaissable à son odeur d’œufs pourris, est toxique à haute dose et contient de fortes proportions de métaux lourds qui empoisonnent les terres, les animaux et le milieu naturel en se déposant sur les sols.

Le gisement qui relâche ces gaz se trouve à plus de 3.000 mètres de profondeur et le forage de secours entrepris seulement depuis que les dégagements ont été révélés par les écologistes, forage destiné à tenter de dévier et contenir la fuite, a déjà atteint 1.400 mètres de profondeur sans réussir à résorber le rejet « accidentel ». Les responsables de l’entreprise ont avoué au début du mois de janvier qu’il leur faudrait au moins, mais sans certitude, trois mois pour colmater cette éruption dont ils affirment ignorer les causes. Tout en ajoutant que cette installation était en règle avec la règlementation californienne en vigueur. Ce qui ne convainc ni les centaines de Californiens qui ont déjà porté plainte en quelques jours, ni les autorités californiennes qui soupçonnent désormais d’avoir ôté le dispositif automatique anti-fuite depuis 1979 ; ce qui revient, explique Rex Parris, un responsable de l’Agence Fédérale pour l’Environnement « à rouler avec une voiture dont on a retiré les freins en espérant ne rencontrer aucun obstacle. Ce n’est donc pas un accident, mais une conséquence inévitable ».

Le gouverneur démocrate de Californie, Jerry Brown, a d’ailleurs décrété l’Etat d’urgence autour de la zone concernée et a annoncé d’autres évacuations de la population. Il a ordonné en outre la fermeture de plusieurs autres puits soupçonnés de relâcher discrètement du méthane –ce gaz est incolore- depuis de nombreuses années.

Écologie Monde
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