Olivier Cadiot : Écrire, disent-ils…

Olivier Cadiot fait la peau aux poncifs et ouvre des perspectives sur l’inconnu.

Christophe Kantcheff  • 9 mars 2016 abonné·es
Olivier Cadiot : Écrire, disent-ils…
© **Histoire de la littérature récente, tome 1**, Olivier Cadiot, POL, 185 p., 11 euros. Photo : H. Bamberger

Olivier Cadiot vient d’écrire ses Lettres à un jeune poète. En beaucoup plus drôle. Parce qu’il y mêle du Bouvard et Pécuchet. La littérature ? « C’est moins bien qu’avant, ah, c’est terminé. » Son âge d’or ? Olivier Cadiot ironise sur ce moment improbable « où les gens lisaient toute la journée à voix haute des livres splendides dédiés à tout le monde en se congratulant ». Ce n’est plus ça de nos jours, n’est-ce pas ? « “Il vaut mieux être mort que démodé”, disait un écrivain anglais d’autrefois. Pensez-y avant d’embrasser la carrière. » Il faut toujours décourager les (fausses) vocations…

Histoire de la littérature récente, tome 1 s’attaque avec un réjouissant humour aux poncifs qui font loi. Aujourd’hui, foin de l’élitisme et de la modernité, la langue doit être « transparente ». Le petit-bourgeois, « bien installé dans son fauteuil », croit suffisamment à ses malheurs pour qu’il les déverse « dans un livre et en détail : histoires de famille, premiers émois, mort du père, viol de X, disparition de Z, torture de W. Vous remarquerez que les gens qui souffrent vraiment se sentent les plus illégitimes pour témoigner – ça devrait vous faire réfléchir. » Et toc !

Il y a vingt ans, Olivier Cadiot a copublié deux fameux numéros de la Revue de littérature générale, qui prenaient le pouls de la situation littéraire. L’auteur du Colonel des Zouaves revient seul sur le sujet, les circonstances ont changé, sa manière aussi. Corrosive, mais pas seulement. Les « conseils » qu’il essaime au détour des courts chapitres qui composent le livre reformulent à nouveaux frais des questions essentielles. Mais, quand il suggère de « vider la poésie de la poésie »,seule façon pour qu’« elle s’anime », pour que « ça parle », ce n’est pas seulement au « jeune poète » qu’il s’adresse, mais aussi à lui-même. Ou quand il affirme que « la langue n’est pas maternelle » parce qu’il s’agit « de se couler patiemment dans des structures de phrase qui ne vous appartiennent pas ».

En fait, Histoire de la littérature récente ne distille pas de leçons d’écriture. Ce livre bref (mais il devrait être suivi d’un tome 2…) est à la fois plus rentre-dedans et plus intime. Certains de ses chapitres (« Sans comparaison », « Touché »…) sont même des approches bouleversantes de ce à quoi se livre un écrivain en quête de formes vivantes : des avancées dans l’inconnu. Et Cadiot de citer cette phrase de Chalamov : « Comment trace-t-on une route à travers la neige vierge ? »

Littérature
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