« Pursuit of Loneliness » : Partir seule

Laurence Thrush reconstitue la vie d’une femme morte à l’hôpital.

Ingrid Merckx  • 9 mars 2016 abonné·es
« Pursuit of Loneliness » : Partir seule
© **Pursuit of Loneliness**, Laurence Thrush, 1 h 35.

Le décès a été constaté. Autour, la vie continue. C’est peut-être ça le plus vertigineux : il y a les morts – en l’occurrence la morte –, les vivants et ceux qui ne sont pas loin de basculer. Rarement la frontière a été rendue si palpable, et donc si banalement violente. En un instant, on peut passer de l’autre côté. Ceux qui restent respirent, s’accrochent à leurs activités, comme si c’étaient d’abord leurs gestes qui leur prêtaient vie.

On dirait du documentaire mais c’est de la fiction, inspirée de témoignages réels et avec des acteurs amateurs. Le réalisateur britannique Laurence Thrush glisse quelques indices : des gros plans qui s’enchaînent en accéléré, incrustant comme un éclair de panique dans le cadre, une brève apparition de bébés (mourants ?) dans une pouponnière, un noir et blanc qui s’obscurcit à dessein, des plans fixes sur le couloir du service de soins intensifs baigné d’une lumière très blanche, se reflétant d’une manière un peu fantastique sur le sol…

Pursuit of Loneliness est un film hybride sur un sujet tabou : l’anonymat des morts à l’hôpital dans une métropole comme Los Angeles. Cynthia Ratsch, chambre 312. Elle portait un bracelet avec la mention « Pas de réanimation ». Pas de proche parent non plus.

Pursuit of Loneliness, c’est aussi l’histoire d’une reconquête : le réalisateur part du vide, d’un couloir d’hôpital à 4 heures du matin, des protocoles des professionnels qui enlèvent ses bijoux à la vieille dame qui n’a plus de pouls, lui maintiennent la mâchoire avec une bande de gaze, ouvrent un grand sac à fermeture éclair… Puis il suit 24 heures durant les informations concernant la défunte pour reconstituer des traces de sa vie. Et finalement, avec le quotidien d’une dame âgée et seule filmé en contrechamps, lui redonner une existence.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes