Blank Placard Dance : Une manif hors normes

Anne Collod recrée à Paris la Blank Placard Dance d’Anna Halprin, au croisement du happening et de l’activisme.

Jérôme Provençal  • 27 avril 2016 abonné·es
Blank Placard Dance : Une manif hors normes
© Lawrence Halprin

Danseuse et chorégraphe, cofondatrice du très stimulant Quatuor Albrecht Knust (1993-2001), Anne Collod mêle étroitement expression artistique et transmission pédagogique dans sa pratique chorégraphique. -S’attachant à la recréation de pièces emblématiques du XXe siècle, elle développe depuis le début des années 2000 un travail au long cours en étroite collaboration avec Anna Halprin, figure de la post-modern dance américaine – aujourd’hui âgée de 95 ans et toujours active.

Après deux réinterprétations (en 2008 et 2011) de Parades & changes (1965), pièce majeure d’Anna Halprin, Anne Collod reprend à présent Blank Placard Dance (1967), une autre pièce essentielle de la chorégraphe américaine. Au croisement du happening et de l’activisme -politique, Blank Placard Dance prend la forme d’une manifestation dans l’espace public. Accompagnés par des musiciens, les participants défilent en brandissant des pancartes vierges de toute inscription et, dans un rapport d’échange direct avec les passants/spectateurs, ouvrent au maximum le champ de la (réflexion sur la) revendication.

Près de cinquante ans après la performance originelle, cette nouvelle version – conçue par Anne Collod en dialogue avec Anna Halprin – est présentée le 30 avril à Paris au (et autour du) Centre Pompidou, dans le cadre du festival Hors pistes.

« Je connaissais Blank Placard Dance par les traces qui en subsistent, notamment des photos, explique Anne Collod. Ayant été frappée par la simplicité et la force de cette performance, j’avais très envie de lui redonner vie. Par conséquent, j’ai accepté avec joie lorsque le Centre Pompidou m’a proposé d’en faire une reprise. Anna Halprin m’a donné son accord et m’a envoyé le descriptif, très simple, de la performance et les intentions de départ. Depuis, je la tiens informée de l’évolution de cette recréation. »

Réalisée initialement en 1967 à San Francisco, dans le contexte ô combien agité de la guerre du Viêtnam, Blank Placard Dance devrait également avoir une forte résonance dans le Paris sous haute tension de 2016. Par ailleurs, entre crispation sécuritaire (état d’urgence) et mobilisation protestataire (Nuit debout), la situation actuelle dans la capitale influe forcément sur le déroulement de la performance, imposant notamment des contraintes strictes quant au périmètre investi. Encore en discussion au moment où nous écrivons, il ne devrait pas s’étendre beaucoup au-delà du Centre Pompidou.

Quel que soit le parcours retenu, la Blank Placard Dance – qui rassemblera quelque quarante « manifestants », tous performeurs amateurs, auxquels s’ajoutent les musiciens de la fanfare BHO – s’achèvera au niveau -1 du Centre Pompidou, à l’endroit où, pendant toute la durée du festival Hors pistes, est aménagé un centre de documentation autour de la question des luttes civiques – façon d’inciter à prolonger la réflexion et à passer à l’action.

« L’espace public est très normé, souligne Anne Collod. Il est vital de considérer que ces normes ne vont pas de soi et de proposer, par le jeu collectif notamment, d’autres modalités de mouvement, de tonicité, de perception. D’autres temporalités, relations et réactions aux autres et au contexte. Et de continuer à expérimenter la formidable capacité de la danse et de la performance à transformer les espaces – et les esprits. »

Dans la même dynamique d’expérimentation, Anne Collod présente au Centre national de la danse Le Parlement des invisibles, une pièce qui, en réactivant une danse macabre des années 1930, joue à troubler les relations qu’entretiennent les vivants et les morts.

Spectacle vivant
Temps de lecture : 3 minutes