Syrie : Alep, ville martyre

Le régime syrien a profité du cessez-le-feu pour lancer une offensive contre Alep.

Denis Sieffert  • 4 mai 2016 abonné·es
Syrie : Alep, ville martyre
© Ibrahim Ebu Leys/Anadolu Agency/AFP

En visite mardi à Moscou, l’émissaire de l’ONU Staffan de Mistura, orfèvre en langue de bois, a annoncé « un meilleur mécanisme pour surveiller et contrôler un nouveau cessez-le-feu ». Sur le papier, les choses sont pourtant moins difficiles à comprendre. Au cours des dernières semaines, le régime syrien a profité d’un cessez-le-feu tout théorique pour lancer une grande offensive contre les positions tenues par les rebelles à Alep. Et un seul pays peut arrêter le bras du crime : la Russie. La question est donc politique. Soit Vladimir Poutine ordonne au régime syrien de mettre un terme à son offensive, soit il laisse faire et encourage en sous-main. Or, l’ambiguïté est savamment entretenue. Alliée de Bachar Al-Assad, la Russie a certes fait état, le 1er mai, de pourparlers pour obtenir une suspension des « combats » dans la province d’Alep. Alors que les États-Unis avaient auparavant, plutôt mollement, appelé à l’arrêt des bombardements du régime sur la partie de la ville tenue par les rebelles. Mais tout est dans le vocabulaire, car les « combats », ce sont surtout les bombardements incessants de l’aviation sur la population civile, et les largages de barils d’explosifs prenant souvent pour cibles les hôpitaux, même si les rebelles répliquent par des tirs de mortier en direction de la partie ouest de la ville contrôlée par le gouvernement.

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), les raids ont fait 253 victimes civiles en neuf jours, dont 49 enfants. Depuis le 22 avril, les avions de Bachar Al-Assad violent la trêve entrée en vigueur le 27 février. Si la Russie s’est prononcée le 1er mai pour un nouveau cessez-le-feu, elle avait affirmé, la veille, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qu’elle ne demanderait pas au régime de cesser ses bombardements, arguant d’une « lutte contre la menace terroriste ». Moscou reprenait ainsi, comme à l’habitude, la propagande du régime syrien pour qui tous les rebelles sont des « terroristes ».

Selon l’OSDH, les frappes sur les civils ne sont donc pas des « bavures », mais relèvent d’une stratégie. Le 27 avril, c’est l’hôpital Al-Qods (« Jérusalem »), situé dans le quartier rebelle de Sukkari, qui a été détruit, et une partie de l’équipe médicale a péri. Médecins sans frontières a dénoncé une politique délibérée de destruction des infrastructures sanitaires visant à terroriser les populations. Damas et Moscou arguent de la présence parmi les rebelles du Front Al-Nosra, affilié à Al-Qaïda. Mais il n’y a pas d’autre solution pour entamer une véritable négociation en vue d’une issue politique que de respecter un cessez-le-feu intégral dans tout l’ouest de la Syrie. Sauf que la trêve a un effet dévastateur pour Damas : elle relance les manifestations pacifiques contre le régime.

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