Turquie : Levée de l’immunité parlementaire pour faire taire l’opposition

Le Parlement turc a approuvé ce vendredi une réforme constitutionnelle permettant de lever l’immunité des députés visés par des procédures judiciaires.

Partager :
Turquie : Levée de l’immunité parlementaire pour faire taire l’opposition
© Photo : ADEM ALTAN / AFP

Sur les 550 membres de la Grande assemblée nationale de Turquie, 376 ont voté en faveur de la levée de l’immunité parlementaire des députés. Une large majorité qui dispense le gouvernement de l’organisation d’un référendum et confirme l’influence d’Erdoğan. Servant la cause de l’autoritarisme, cette décision provoque de grandes inquiétudes chez les députés, notamment au sein du parti pro-kurde de l’opposition, dont certains membres sont accusés de soutenir les rebelles kurdes du PKK.

Proposé par le Parti de la justice et du développement (AKP) et examiné depuis plusieurs semaines en commission parlementaire, ce texte n’a fait qu’exacerber les tensions : à plusieurs reprises, députés de l’AKP et du HDP en sont d’ailleurs venus aux mains. D’après l’AFP, 50 élus du HDP (sur 59) seraient désormais exposés à des poursuites judiciaires, dont les deux co-présidents, Selahattin Demirtaş et Figen Yüksekdag, parmi les 138 députés concernés, issus, pour la plupart, de l’opposition (CHP ou HDP).

Peu avant l’annonce du résultat, le président turc Recep Tayyip Erdoğan avait de son côté évoqué «un vote historique» , assurant que son peuple ne pouvait accepter au sein de son Parlement «des députés qui ont commis des crimes, et surtout pas ceux qui soutiennent l’organisation terroriste séparatiste [PKK ndlr]». Exécuté à bulletin secret, ce vote apparaît comme une nouvelle démonstration de force, deux semaines après la «démission» du Premier ministre Ahmet Davutoğlu.

Depuis la reprise du conflit armé dans les régions kurdes du pays et l’échec du processus de paix avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), le gouvernement use de tous les moyens nécessaires pour faire taire ses opposants. Accusé d’être «la vitrine politique de PKK» ou de participer à leur propagande «terroriste», le HDP n’a jamais cessé d’être une cible du gouvernement du fait du soutien qu’il apporte aux minorités du pays. Quelques jours avant la tenue de ce vote, Eyyup Doru, représentant du HDP en Europe, craignait d’ailleurs les conséquences d’une potentielle adoption de la réforme, discutant d’une possible intensification des combats dans les régions kurdes du pays, déjà en proie à un conflit meurtrier.

Monde
Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Turquie : « J’ai vécu un remake de l’affaire Dreyfus »
Monde 27 mars 2024 abonné·es

Turquie : « J’ai vécu un remake de l’affaire Dreyfus »

La quasi-totalité des édiles du Parti démocratique des peuples élus en 2019 ont été destitués par le régime turc au bout de quelques mois. C’est le cas d’Adnan Selçuk Mızraklı, porté à la tête de Diyarbakır avec 63 % des voix, qui depuis est en prison. Nous sommes parvenus à établir avec lui une correspondance écrite clandestine.
Par Laurent Perpigna Iban
À Jérusalem-Est, un ramadan sous pression
Monde 20 mars 2024 abonné·es

À Jérusalem-Est, un ramadan sous pression

En Palestine occupée, le mois saint de l’islam cristallise les tensions alors que les Palestiniens font face à de nombreuses restrictions de l’accès au mont du temple et à la mosquée Al-Aqsa. Elles illustrent le régime légal que des organisations de défense des droits humains qualifient d’apartheid. 
Par Philippe Pernot
« Ma vie dépend de ce qui se passe sur le front »
Ukraine 18 mars 2024

« Ma vie dépend de ce qui se passe sur le front »

Dans une interview réalisée le 28 février 2024, l’écrivain ukrainien Andreï Kourkov nous raconte l’impact de la guerre sur son travail et les questions existentielles qui se posent deux ans après l’invasion russe.
Par Pauline Migevant
« Il y a une volonté d’effacement du peuple palestinien »
Entretien 13 mars 2024 abonné·es

« Il y a une volonté d’effacement du peuple palestinien »

Pour Isabelle Avran, cofondatrice de l’Association France Palestine solidarité, le massacre de la bande de Gaza par Israël est l’acmé inédite d’une volonté d’éradication du fait palestinien.
Par Patrick Piro