Deux lycéennes étrangères interdites d’école dans le Gers

Sommées de quitter le territoire français, deux adolescentes ne peuvent se réinscrire dans leur lycée. Syndicats, associations et parents d’élèves crient au scandale.

Laure Hanggi  • 28 juin 2016
Partager :
Deux lycéennes étrangères interdites d’école dans le Gers
© Photo : FREDERICK FLORIN / AFP.

Leïla, 18 ans et Megi, 20 ans, sont au cœur d’un scandale. Lycéennes dans le Gers, à Mirande et à Auch, elles se sont vues refuser leur réinscription pour l’année scolaire prochaine. Leïla, élève en première L, vit actuellement chez la cousine de sa mère car son père, français, n’a pas les moyens de l’accueillir. Megi est en seconde professionnelle. Elle a fui seule son pays et n’a donc pas de famille en France.

Originaires respectivement du Burkina Faso et d’Albanie, les deux jeunes filles font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) – depuis janvier pour Leïla, juin pour Megi – alors qu’elles ont engagé des démarches pour obtenir un titre de séjour.

Pour les nombreux soutiens des jeunes adolescentes (associations, parents d’élèves…), ce refus serait le fait de l’intervention du préfet, M. Pierre Ory, auprès de la Directrice Académique des Services de l’Éducation Nationale (Dasen).

« C’est une décision illégale. Tout élève inscrit dans un cycle scolaire doit le terminer, s’insurge Richard Moyon du RESF. Il est inadmissible que l’Éducation nationale prenne en charge la répression d’élèves sans papier ».

Dans un communiqué commun, des organisations telles que la CGT-Éduc’action, Sud Éducation, l’UNEF, la FCPE ou encore RESF rappellent que « l’école est le lieu de l’éducation, de la culture et de l’enseignement des valeurs. Elle ne doit pas devenir celui de l’exclusion, de la délation et des arrestations. »

« Le droit à l’éducation prime sur tout le reste »

Les soutiens de Leïla et Megi insistent notamment sur la circulaire du 20 mars 2002, encadrant la scolarisation des élèves de nationalité étrangère dans les premier et second degrés. Il y est ainsi précisé « qu’en l’absence de toute compétence conférée par le législateur, il n’appartient pas au ministère de l’Éducation nationale de contrôler la régularité de la situation des élèves étrangers et de leurs parents au regard des règles régissant leur entrée et leur séjour en France. »

À la Dasen, on évoque également la circulaire de 2002 pour justifier cette décision : « On ne demande pas et on ne vérifie pas la situation personnelle des élèves, ce n’est pas de notre compétence. Mais à partir du moment où on nous informe qu’il y a obligation de quitter le territoire, on ne peut pas aller à l’encontre du ministère de l’Intérieur », explique Ghylène Esnault, de la Dasen. Elle ajoute que si la situation de Leïla et Megi s’est régularisée d’ici la rentrée prochaine, elles pourront se réinscrire.

En attendant le conseil départemental de l’Éducation nationale (CEDN) de jeudi prochain (le 30 juin), où le sort des deux jeunes filles devrait être évoqué, de nombreuses actions sont prévues, notamment autour de la journée d’inscription du lycée Le Garros, à Auch. Une pétition est également en ligne, avec un compte-rendu des actions mises en place.

Société
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

« Je ne veux pas être déportée » : au CRA d’Oissel, la mécanique de l’enfermement
Reportage 27 novembre 2025 abonné·es

« Je ne veux pas être déportée » : au CRA d’Oissel, la mécanique de l’enfermement

Si le centre de rétention administrative (CRA) d’Oissel-sur-Seine, situé en pleine forêt, n’existe pas dans la tête des gens habitant aux alentours, l’enfermement mental et physique est total pour les femmes et les hommes qui y sont retenus. Politis a pu y rentrer et recueillir leurs témoignages.
Par Pauline Migevant
« À Paris, les manifs pour la Palestine doivent être à la hauteur des autres capitales européennes »
La Midinale 26 novembre 2025

« À Paris, les manifs pour la Palestine doivent être à la hauteur des autres capitales européennes »

Anne Tuaillon, présidente de l’association France Palestine Solidarité, est l’invitée de « La Midinale ». Ce samedi 29 novembre, 85 organisations dont LFI, le PS, le PCF, les Écologistes, la CGT et beaucoup d’autres, organisent une grande mobilisation pour la défense des droits du peuple palestinien sur la base du droit international.
Par Pablo Pillaud-Vivien
L’affaire Tran, exemple malheureux d’une justice à deux vitesses
Décryptage 25 novembre 2025

L’affaire Tran, exemple malheureux d’une justice à deux vitesses

112 plaignantes, 1 gynécologue… et 11 ans d’instruction. En 2027, le docteur Tran sera jugé pour de multiples viols et agressions sexuelles. Plaintes ignorées, victimes oubliées, délais rallongés… Cette affaire témoigne de toutes les lacunes de la justice en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Par Salomé Dionisi
« J’étais bloquée face à son pouvoir de médecin »
Entretien 25 novembre 2025 abonné·es

« J’étais bloquée face à son pouvoir de médecin »

Julia* fait partie des nombreuses patientes qui accusent le médecin gynécologue Phuoc-Vinh Tran de viols et d’agressions sexuelles. Treize ans après les faits, elle souhaite prendre la parole pour dénoncer les dégâts que causent les lenteurs de la justice.
Par Hugo Boursier