« L’Intérêt général & moi » : Conflits d’intérêts

Dans L’Intérêt général & moi, Sophie Metrich et Julien Milanesi mènent une contre-enquête sur les grands projets inutiles et coûteux.

Ingrid Merckx  • 1 juin 2016 abonné·es
« L’Intérêt général & moi » : Conflits d’intérêts
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Plus que trois semaines avant le référendum sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (NDDL). Si certains ont encore des doutes ou besoin d’arguments, L’Intérêt général pourrait lever les premiers et nourrir les seconds. C’est un film à angle serré et à fort impact : qu’est-ce que cet intérêt général que brandissent aussi bien les défenseurs que les opposants de ce projet d’aéroport ? Lequel est moins considéré ici dans ses détails que dans son rôle de chef de file d’une liste de grands projets inutiles et coûteux. Un modèle de lutte, de résistance et de réappropriation citoyenne.

C’est l’autre enjeu de ce film : derrière une réflexion de politique appliquée sur intérêt général, intérêt privé et intérêt supérieur, se dessine la remise en cause d’un fonctionnement dit démocratique et d’un mode de vie qui s’essouffle. Sophie Metrich et Julien Milanesi s’intéressent à la construction de l’autoroute A65 reliant Pau à Langon et à la ligne à grande vitesse, LGV, censée desservir NDDL et « rapprocher » les Landes de la capitale. « Mais qui est concerné ? », interrogent des habitants. Cependant que les documentaristes insèrent une séquence d’histoire critique qui vire au cours d’économie atterrée sur le thème : à qui profite le TGV ? Où l’on apprend que les transports rapides ont toujours majoritairement transporté les classes supérieures quand l’intérêt général réel aurait consisté à privilégier les TER et RER.

« Le progrès aujourd’hui, ça n’est pas la vitesse mais la qualité de vie ! », lâche une agricultrice soulignant que, ce qui se joue à NDDL et consorts, c’est un choc de cultures et presque d’époques : comme si les grands projets inutiles – et leurs performances moquées dans un montage d’images d’archives assez drôles – appartenaient déjà au passé. À un temps où des industriels s’enrichissaient sous couvert d’intérêt général et en considérant la destruction de l’habitat de centaines d’espèces – oiseaux, papillons, grenouilles, tritons et hommes – comme un dommage collatéral. « Comment oublier l’humain ? », s’étrangle un journaliste de Sud-Ouest, ému. « On prend les gens pour des gogos ! », s’énervent des paysans résistants alors même que ces citoyens que l’on voudrait endormir à coup d’études expertes livrent des contre-études qui non seulement valent les officielles mais les contredisent au point de faire porter le soupçon sur toutes les enquêtes publiques en cours. Aveuglement des élus, servilité des institutions, le film n’est pas tendre avec ceux qui pilotent ou cautionnent ces grands projets. A contrario, le camp des citoyens mobilisés est riche en raisonnements de haut vol. Entre les deux, marquant la fracture, des plans de coupe sur un couple de danseurs contemporains semblent vouloir capter le regard, recentrer les énergies, ramener à l’essentiel.

Cinéma
Temps de lecture : 3 minutes