Biodiversité : le congrès mondial pour la nature lance un dernier avertissement

Réunis à Hawaï, les scientifiques de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) publient des chiffres accablants sur une sixième extinction des espèces en cours que rien ne semble pouvoir arrêter.

Claude-Marie Vadrot  • 8 septembre 2016
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Biodiversité : le congrès mondial pour la nature lance un dernier avertissement
© Photo : Christophe Ravier / Biosphoto.

Tous les quatre ans, quand l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) se réunit au niveau mondial, les médias découvrent que la biodiversité de la planète est menacée et dressent un fugace constat des dégâts. Sur les chaînes de télévision et dans les magazines, défilent alors brièvement quelques gorilles, éléphants, tigres convoqués dans les archives pour faire de la figuration intelligente. Avant de revenir bien vite aux affaires courantes…

Pourtant, l’UICN n’est pas une création récente. Cette organisation internationale – dont le siège est en Suisse -, a été fondée en 1948, en France. Elle rassemble aujourd’hui 1 300 représentants de gouvernements, d’associations et de groupes scientifiques. Avec le concours d’une dizaine de milliers de chercheurs, spécialistes de toutes les espèces animales, de la flore et des écosystèmes.

Peu à peu, cette organisation dont le fonctionnement n’est pas toujours simple en raison de la diversité de ses membres, s’est donnée pour tâche de surveiller l’évolution de toutes les espèces : des écrevisses aux éléphants, en passant par les papillons, les escargots, les poissons ou les oiseaux. Surveillance qui a commencé en 1964, par l’invention d’une « liste rouge » des espèces menacées de disparition.

Les résultats de ce travail, gigantesque, n’ont jamais passionné les politiques, alors que l’UICN établit non seulement un recensement mondial, mais aussi une liste par pays. La France fait d’ailleurs partie des 10 nations qui abritent le plus d’espèces menacées avec un chiffre de 1 200 pour le seul territoire métropolitain. Rappel que sa biodiversité est en berne…

Rupture sans précédent

Fait nouveau, les travaux quadriennaux de l’UICN – qui se déroulent à Hawaï jusqu’au 10 septembre -, ont eu un peu plus de retentissements qu’à l’ordinaire. En cause : le travail des scientifiques qui ont réussi à démontrer que le rythme des disparitions s’est accéléré depuis les années 50, au point d’être une centaine de fois plus rapide qu’au cours du XIXe siècle.

Aussi, la plupart des chercheurs affirment que nous sommes entrés dans une « sixième extinction ». La première se situe il y a 445 millions d’années et a essentiellement touché les organismes marins. La deuxième s’est produite il y a 365 millions d’années et a notamment concerné les poissons. La troisième, la plus radicale de toutes : il y a 252 millions d’années. Elle aurait entrainé la disparition de 90 % des espèces de la planète, y compris chez les vertébrés. La quatrième est survenue il y a 200 millions d’années et a été notamment fatale aux reptiles et à beaucoup d’organismes vivant en mer. Quant à la cinquième, elle s’est déroulée il y a 65 millions d’années. Elle semble avoir éliminé 70% des espèces terrestres, des dinosaures aux nombreuses espèces de plancton, en passant par les reptiles volants de la famille des ptérosaures et l’essentiel des reptiles et mammifères marins.

La différence entre ces extinctions et celle évoquée aujourd’hui par les scientifiques, c’est que les cinq premières se sont étalées sur des millions d’années alors que celle en cours s’inscrit dans une période d’à peine quelques siècles.

Liste rouge

Cette accélération explique l’énormité des chiffres en cours de diffusion par le congrès de l’UICN puisque, sur les 83 000 espèces faisant l’objet d’une évaluation régulière, 24 000 sont menacées d’une extinction rapide. Au cours des 20 dernières années, 130 mammifères, 440 oiseaux supplémentaires ont été inscrits sur la liste rouge.

Les chiffres sont encore plus saisissants pour les batraciens dont 80% des 2 063 espèces répertoriées sont menacées de disparition, les chiffres étant aussi inquiétants pour les poissons, les reptiles, les mollusques et même les plantes dont le nombre d’espèces menacées a augmenté de 120 % en 20 ans. Elles sont désormais 11 000 à figurer dans la liste rouge.

Que cela soit à cause du réchauffement climatique, de la chasse, du braconnage, des trafics, de l’agriculture intensive, de la déforestation ou de l’artificialisation des sols, la biodiversité recule partout. Les chiffres sont accablants mais ils risquent d’être oubliés dès la semaine prochaine. Alors qu’au-delà de la beauté qu’elles contribuent à donner à la nature, toutes ces espèces « rendent des services » écologiques et économiques inestimables aux habitants de la planète.

Écologie
Temps de lecture : 4 minutes
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