COP 22, Le désarmement climatique ?

Le réchauffement climatique nécessite un droit contraignant.

Geneviève Azam  • 23 novembre 2016 abonné·es
COP 22, Le désarmement climatique ?
© Photo : STR / AFP

L’Accord de Paris sur le climat, ratifié en un temps record par un nombre significatif d’États et unanimement célébré, semblait marquer une fin de l’histoire pour le climat, une fin de la politique. Comme s’il ne restait plus qu’à discuter des modalités techniques de sa mise en œuvre. Nul n’osait entacher la prophétie de Paris de questionnements susceptibles de rompre le consensus, tant cette prophétie se voulait auto-réalisatrice.

L’élection de Donald Trump a eu l’effet d’une bombe. Immédiatement déminée dans l’enceinte de la COP 22, à Marrakech, où furent repris à l’unisson le récit prophétique et la foi dans le progrès : « Le mouvement vers des sociétés bas carbone est enclenché et il est irréversible. » Pourquoi « irréversible », alors que l’Accord de Paris ne comporte aucune disposition contraignante pour réaliser l’objectif de 1,5 °C à la fin du siècle ? Parce que désormais, dans la lutte contre le changement climatique, les acteurs privés et les marchés se sont saisis de la transition écologique et qu’ils occupent le premier plan. Comme si la lutte contre le réchauffement réalisait finalement l’autre prophétie, celle des années 1990, de la mondialisation heureuse, de la fin de l’histoire et de la démocratie en marche sous l’impulsion des marchés et du libre-échange. Comme si, précisément, ce n’était pas cette prophétie macabre qui se concluait avec l’arrivée au pouvoir de coalitions se nourrissant de tous les échecs et de toutes les frustrations, brandissant la force mâle et blanche capable de mater la nature récalcitrante et d’en extraire tout ce qui peut être extrait.

En arrivant les mains quasi-vides à Marrakech, et en confiant les clés aux « marchés », les États choisissent et entérinent le désarmement climatique à un moment où des engagements politiques forts sont urgents. Le secrétaire d’État américain John Kerry, dans un discours testamentaire, a cité Churchill : « Il ne s’agit plus simplement de faire de notre mieux pour lutter contre le désastre climatique, mais de faire ce qui est requis. » Or, ce qui est requis ne peut surgir de décisions des marchés. Ce qui est requis nous est donné par les scientifiques qui indiquent les seuils et les limites à ne pas dépasser, par les populations qui sont sur les lignes de front, par les choix politiques et éthiques de justice sans lesquels les transitions échoueront.

La réponse par les marchés et la technologie à une administration américaine qui nie désormais l’impact des activités humaines et des énergies fossiles sur le réchauffement climatique est tragique. Plus de vingt ans de négociations internationales, dominées par le refus des États-Unis de ratifier tout accord contraignant, ont abouti à l’Accord de Paris, dont on attendait une impulsion pouvant conduire à une augmentation rapide des engagements des États. La COP de 2018 en était l’horizon, barré désormais par l’arrivée au pouvoir de Donald Trump et par ses effets domino.

Le monde soumis au réchauffement climatique n’est pas celui de l’harmonie des marchés, mais celui de tensions qui nécessitent un droit contraignant et la reconnaissance des crimes d’écocide.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

Temps de lecture : 3 minutes