Jeunes Écologistes : « Agir en politique, mais différemment »

Oriane Pigache et Benjamin Kaufmann ont choisi de se battre contre le dérèglement climatique au sein du mouvement politique des Jeunes Écologistes.

Patrick Piro  • 21 décembre 2016 abonné·es
Jeunes Écologistes : « Agir en politique, mais différemment »
© Patrick Piro

Elle a 20 ans, étudie l’aménagement du territoire et milite à Rennes. Il a 23 ans, est originaire de la 4e circonscription du Vaucluse, « celle du FN Jacques Bompard », et il vient d’être embauché pour son premier emploi comme informaticien chez Enercoop, le fournisseur d’électricité 100 % renouvelable. Oriane Pigache et Benjamin Kaufmann sont co-secrétaires fédéraux des Jeunes Écologistes, un mouvement proche d’Europe Écologie-Les Verts (EELV). À rebours de beaucoup de jeunes de leur âge, rebutés par ce type d’engagement, ils veulent démontrer leur capacité à faire de la politique « autrement ».

Avez-vous le sentiment que la crise -écologique pèse sur votre trajectoire -personnelle ?

Benjamin Kaufmann : Le monde ne va pas bien. Et les diverses crises sont souvent reliées à des enjeux écologiques. Les conflits armés, par exemple, éclatent de plus en plus fréquemment pour le contrôle du pétrole, de minerais ou de l’eau. De mon point de vue, la première menace, c’est le dérèglement climatique. Il est générateur d’autres crises comme des migrations forcées. La première urgence consiste donc à laisser les énergies fossiles dans le sol. Mais il y a de quoi être très inquiet : le temps passe et l’on enregistre toujours aussi peu d’avancées. J’étais à Marrakech pour la COP 22, il ne s’est rien passé !

Oriane Pigache : J’ai baigné dans l’influence de mes parents, très sensibles à la nature. Et je suis arrivée en licence de géographie par la passion des cartes ! Par les questions d’aménagement du territoire, un sujet très politique, j’ai découvert l’importance des enjeux écologiques. Aujourd’hui, j’aborde tous mes dossiers sous l’angle environnemental.

Pourquoi avoir choisi l’action politique, qui suscite tellement de défiance à notre époque ?

O. P. : J’ai d’abord adhéré à EELV en 2014, car c’est le parti politique le plus engagé sur les questions féministes, LGBT et régionnalistes. Ce sont donc en premier lieu les thèmes sociaux qui m’intéressaient. Puis j’ai compris que tout était lié, que nombre de réfugiés présents en France avaient été chassés de chez eux par le dérèglement climatique, par exemple.

L’affaire Baupin m’a vraiment fait hésiter à reprendre ma carte. Je l’ai tout de même fait parce que, même s’il est mal géré et qu’il tend à adopter les mêmes pratiques que les autres, ce parti a prouvé sa sincérité. Cela dit, je ne vais plus aux réunions d’EELV : je n’ai plus le temps car, peu après mon adhésion, j’ai découvert le mouvement des Jeunes Écologistes, où je me retrouve beaucoup mieux. On y pratique vraiment la politique différemment : pas de combats de coqs, de personnalisation, de course aux postes, de réunions sans fin, de contacts avec la population réduits à du tractage… Ce qui m’intéresse, ce sont les sessions de formation à l’action, la place du féminisme, les interventions ludiques et percutantes, comme cette action « Marrakech à poil » en novembre : nous avons interpellé les passants à Rennes, en bikini et en tongs, pour alerter sur le réchauffement climatique. Les gens s’arrêtent et la discussion s’engage. On ne s’imagine pas qu’on va faire bouger les pétroliers mais, si chacun fait sa part de son côté, on peut avancer.

B. K. : J’ai rencontré le mouvement des Jeunes Écologistes en 2012, à l’occasion du week-end annuel de la « transition citoyenne ». On y prônait l’action concrète. C’est un choix que tout le monde peut effectuer à son niveau – passer chez Enercoop pour la fourniture d’électricité, adhérer à une Amap, etc. Le plus dur, c’est bien souvent de se défaire de ses habitudes, de marcher 500 mètres de plus pour aller faire ses courses dans un magasin bio plutôt que dans une grande surface. Il faut donner du sens à ce que l’on fait.

Le mouvement des Jeunes Écologistes met fortement en avant l’éducation populaire. Nous descendons dans la rue en « porteurs de parole » pour poser des questions dans l’espace public. Nous l’avons fait à Marseille sur la pollution aux boues rouges, sur la question des migrants, etc. À Strasbourg, en avril dernier, c’était un théâtre de rue pour préfigurer ce que serait la ville si l’on construisait la rocade du grand contournement ouest : un aspirateur à voitures, donc plus de pollution, des encombrements accrus, etc. Notre mouvement prend aussi des positions politiques sur les sujets qui préoccupent le public.

On vous prend facilement pour le mouvement de jeunesse d’EELV. N’est-ce pas un inconvénient ?

O. P. : Il existe un gros débat en interne, chez les Jeunes Écologistes, sur la proximité avec EELV, et même pour manifester un soutien à Yannick Jadot, candidat écologiste à la présidentielle. Personnellement, je suis gênée avec le fait que nous tenions notre « forum ouvert » conjointement avec les Journées d’été d’Europe Écologie-Les Verts.

B. K. : Nous voulons contribuer à ce que le projet écologiste soit le plus présent possible lors des échéances de 2017, mais nous sommes un mouvement associatif, pas un parti. Une « charte d’autonomie solidaire » régit nos rapports avec EELV, qui n’interfère pas avec nos interventions. J’ai pris moi aussi ma carte au parti, mais ce n’est le cas que pour moins de la moitié de nos adhérents. Nous considérons généralement que la forme « parti » est dépassée. Cependant, quoi mettre à la place ? Je n’ai pas la réponse, mais je garde l’espoir que l’on puisse changer les choses de l’intérieur aussi.

EELV n’a jamais trouvé la bonne manière de faire vivre la « coopérative politique » qui devait permettre d’articuler l’engagement de sympathisants avec la machine du parti. Mais j’ai bon espoir que cette idée fasse son chemin, parce que les gens y aspirent.

Société
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