Clivage : Souveraineté nationale ou européenne ?

Lors des débats, Arnaud Montebourg s’est distingué en revendiquant « notre souveraineté industrielle ».

Michel Soudais  • 18 janvier 2017 abonné·es
Clivage : Souveraineté nationale ou européenne ?
© Photo: Yann korbi / Citizenside / AFP

Dans la litanie des brefs propos introductifs par lesquels les candidats ont tenté de justifier leur candidature, Arnaud Montebourg s’est d’emblée distingué en revendiquant un « projet de transformation concrète et profonde du système économique et financier, politique et européen, pour reprendre en main notre destin ». Le mot n’y est pas, mais c’est bien de souveraineté qu’il est question. En annonçant sa candidature à Frangy fin août, le chantre du Made in France avait été plus direct en reprochant à l’Europe de n’avoir « pas été capable d’éviter la montée des extrémismes en respectant un minimum la souveraineté et les choix démocratiques des peuples qui la composent ». Il invoquait aussi « notre souveraineté industrielle ».

Semblant avoir abandonné le mot depuis, l’ancien ministre du Redressement productif n’a pas tout à fait abandonné l’idée. « La France prendra sa liberté vis-à-vis des règles (obsolètes et absurdes) qui organisent l’austérité stupidement automatique, en particulier la règle des 3 % », écrit-il dans son Manifeste économique, faisant valser les obligations européennes imposées notamment par le traité budgétaire (TSCG) qu’il approuvait en 2012 – il « est impossible de voter contre », disait-il. Si Benoît Hamon, son concurrent dans la gauche du PS, souhaite également s’affranchir de l’austérité en imposant, grâce à « une alliance interétatique, politique et sociétale », « un moratoire sur le pacte de stabilité et le TSCG [qui] durera jusqu’à l’approbation d’un pacte de stabilité réformé », les autres candidats entendent rester dans les clous européens.

Juste à la limite pour Manuel Valls, qui « propose de garder [le] rythme de réduction des déficits et de rester à 3 % ». En descendant sous cette barre pour Vincent Peillon, qui juge possible, « dès lors qu’on se fixe des priorités, [d’]assurer les investissements nécessaires à la croissance et [de] garantir notre modèle social tout en respectant nos engagements européens ». Ce qu’approuve Sylvia Pinel en refusant de soutenir « l’idée qu’il faut s’évader de toutes contraintes, creuser librement nos déficits », ou François de Rugy. Même si ce dernier estime que la France « doit peser de tout son poids […] pour que les dépenses militaires et de sécurité, réalisées le plus souvent au bénéfice de l’ensemble des pays de l’Union, soient exclues du calcul des déficits publics ».

Ce clivage se double d’un autre sur le protectionnisme. Vincent Peillon, qui le « refuse », le compare à « une sirène malveillante ». C’est pourtant à cette sirène que cède Arnaud Montebourg quand il veut réserver, pendant huit ans, 80 % des marchés publics aux « PME travaillant sur le sol national », au risque (assumé) de devoir payer des amendes à la Commission européenne, étendre le décret qui permet à l’État de bloquer le rachat d’entreprises françaises par des investisseurs étrangers ou recourir éventuellement à des nationalisations.

Les autres candidats, à l’exception de M. Peillon, qui estime que l’Europe « doit mieux se défendre » mais avec les règles commerciales « qui sont à sa disposition », n’excluent pas quelques mesures protectionnistes… mais à l’échelle de l’Europe. Manuel Valls envisage des droits de douane pour « tout produit qui entrera sur le marché intérieur en violation des règles sociales et environnementales européennes » ; Benoît Hamon a une proposition de taxe carbone similaire, et Sylvia Pinel envisage une « préférence européenne » pour les productions de l’UE.

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