À Pampelune, trois jours de débats pour un contre-pouvoir citoyen

Après la première édition à Malaga, la deuxième rencontre « Municipalisme, autogouvernement et contre-pouvoir » a rassemblé « municipalités du changement » et mouvements sociaux à Pampelune (Espagne), du 20 au 22 janvier.

Jérôme Duval  • 1 février 2017
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À Pampelune, trois jours de débats pour un contre-pouvoir citoyen
© Photo : Manifestation anti-expulsions à Barcelone en novembre 2013 (LLUIS GENE / AFP)

En plein milieu d’une vague de froid saisissante dans la péninsule Ibérique – avec des températures en dessous de zéro, de la neige sur les plages et des routes coupées –, le gouvernement Rajoy a augmenté les factures d’électricité… de 8 % en une seule journée. Cette surenchère, qui affecte derechef les foyers les plus démunis, est criminelle : en 2015, les entreprises d’électricité ont déjà procédé à plus de 650 000 coupures de courant pour impayés, dont plus de 83 000 pendant plus d’un mois. De plus, ces factures ont une TVA fixée à 21 %, un taux indécent pour un service essentiel. Le ministre de l’Énergie, Álvaro Nadal, nullement affecté par les conséquences pour les familles, a ajouté que l’escalade des prix allait se poursuivre, pouvant renchérir la facture de 100 euros par an et par foyer. Il ne manquait plus qu’un « Joyeux Noël » pour compléter ce nouveau cadeau aux grandes entreprises du secteur.

Perspective sur les alternatives

C’est donc dans ce contexte de nouvelles attaques austéritaires que se sont déroulées les rencontres « Municipalisme, autogouvernement et contre-pouvoir citoyen » (MAK2) de Pampelune. Une rencontre populaire attendue et nécessaire pour partager des expériences et planifier des solutions. Entre autres thèmes abordés : la récupération par la sphère publique de services gérés par des entreprises qui ne s’intéressent qu’à privatiser les bénéfices.

Les exemples sont multiples, comme celui de Pampelune, où la remunicipalisation du service à la personne à domicile, qui concerne 1 300 usagers, entre en vigueur en février, et dont la gestion passera intégralement à la charge de la mairie. La mesure, validée par le conseil municipal le 30 décembre 2016, implique une dépense annuelle de plus de 5 millions d’euros (soit 60 000 euros de plus) et offrira plus d’heures de services à la personne.

De nombreux autres sujets ont pu être discutés, tels que féminisme, migration, internationalisme, syndicalisme social, mobilité et urbanisme soutenable, journalisme citoyen, centres sociaux et coopérativisme…

De la dichotomie entre institutions et mouvements sociaux ?

La rencontre a permis d’analyser la dichotomie entre institutions et mouvements sociaux dans le difficile exercice de la gestion du pouvoir. Avec l’assaut de centaines de coalitions électorales aux municipales de 2015, on note l’importante perte de précieux activistes due à l’exercice du pouvoir dans les municipalités, dans l’opposition ou partageant souvent le pouvoir avec des partis plus modérés. Sans doute un élément à considérer pour expliquer l’actuel repli de la mobilisation sociale.

Les milliers de militants actifs maintenant en poste politique héritent d’institutions structurées par leur ennemis politiques du bipartisme, et les problèmes sont parfois inhérents au fonctionnement même de la mairie, ce qui ne facilite pas la voie pour changer la façon de faire de la politique. Cependant, il reste toujours une marge de manœuvre quand la volonté politique est effective.

Pour débattre de la problématique et surmonter les défis, le MAK2 a démultiplié la participation depuis la première rencontre à Malaga. Plus de 400 personnes, tant d’Espagne que du reste de l’Europe (Pologne, Serbie, Royaume-Uni, France, Allemagne…), parmi lesquelles plus de 30 conseillers municipaux de différentes candidatures municipales de tout l’État espagnol ont participé à cette seconde rencontre de mouvements sociaux et candidatures municipalistes organisée par la Fundación de Los Comunes, l’Instituto DM et Pamplona Orain.

Le réseau municipaliste contre la dette illégitime s’organise

L’atelier sur l’audit citoyen de la dette, organisé par la Plateforme d’audit citoyen de la dette, « On ne doit rien, on ne paie rien ! » (PACD) a offert une opportunité de plus pour présenter le Réseau municipaliste contre la dette illégitime et les coupes budgétaires. Celui-ci s’est constitué lors de la rencontre d’Oviedo, qui s’est tenue dans cette ville les 25 et 26 novembre, avec l’objectif de coordonner des municipalités dans la lutte contre les dettes considérées comme illégitimes, renverser les lois Montoro par la désobéissance collective si nécessaire et initier des audits des dettes là où ils n’existeraient pas encore.

Dans ce contexte, une feuille de route s’est mise en place jusqu’à la prochaine rencontre du réseau, les 2, 3 et 4 juin à Cadix, en passant par une présentation du réseau au Parlement européen à Bruxelles les 21 et 22 mars. Le Manifeste d’Oviedo, texte de référence dont le succès a été retentissant, continue de récolter des signatures : la dernière en date est celle de Gerardo Pisarello, premier adjoint au maire de la municipalité de Barcelone.

La dette est un sujet transversal, apparu dans de nombreux débats. Ce qui suggère un contexte propice au développement du réseau municipaliste contre la dette illégitime et les coupes budgétaires, afin d’atteindre le niveau régional et national. Abordant le thème, l’Assemblée sociale de Navarre, qui se réunit mensuellement, confirme la nécessité d’étendre la problématique de la dette au niveau régional, comme à tous les autres niveaux.

Du MAK2 au MAK3

En plus du Gaztetxe (centre social occupé), où une chanteuse anarchiste, féministe et basque, la Chula Potra, a conquis le public avec des chansons poétiques et radicales, Katakrak était un autre lieu de référence pour les participants. Depuis plus de trois ans, cette coopérative se compose d’une cafétéria, d’une librairie avec un vaste fonds de livres et une grande salle où se réunissent des assemblées et groupes de lectures. De nouveaux espaces autogérés comme celui-ci facilitent l’échange et la prise de conscience de la population et leur création fait partie des objectifs de certaines municipalités avant les prochaines élections autonomes et municipales de 2019. Quelle que soit l’issue de celles-ci, les citoyens impliqués pourraient ainsi jouir d’espaces où s’exprimer, apprendre et enseigner une autre municipalité possible. Une troisième rencontre, MAK3, est d’ores et déjà prévue pour cet été à La Corogne.

Source originale en espagnol : Diagonal_ ; traduction : Jérôme Duval

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Tribunes

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