Mélenchon veut le retour d’un service national

Le leader des Insoumis présentait vendredi à l’Iris ses mesures concernant la défense et la politique internationale de la France.

Hugo Boursier  • 1 avril 2017 abonné·es
Mélenchon veut le retour d’un service national
© photo : nGABRIEL BOUYS / AFP

Jean-Luc Mélenchon porte un projet qui le différencie nettement de ses concurrents à gauche, en matière de défense et de politique internationale : service national obligatoire de neuf mois, « diplomatie internationaliste », sortie de l’Otan, alliance avec les Brics (Brésil-Russie-Inde-Chine-Afrique du Sud), renforcement de l’ONU… Autant de mesures que le candidat de la France insoumise a présentées vendredi 31 mars, à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

Après des premières interventions du colonel Michel Goya, de Jean-Charles Hourcade, ancien PDG de France Brevets, et de Jean-Pierre Brat, délégué CGT du groupe d’armement Nexter, qui ont tous trois dénoncé les politiques d’austérité que subissent les armées françaises, c’est Djordje Kuzmanovic, ancien officier, porte-parole de la France insoumise et co-auteur de ce volet du programme, qui a présenté une des mesures importantes du candidat : le service national obligatoire.

« Assurer une défense collective »

Jean-Luc Mélenchon est le seul à proposer le retour à une conscription aussi longue. Emmanuel Macron opte lui pour un mois – « de colonie de vacances », raille le fondateur du Parti de gauche –, Marine Le Pen pour trois mois. Côté François Fillon et Benoît Hamon, les deux candidats ne veulent pas réinstaurer le service national, préférant renforcer l’actuel service civique.

La proposition de la France insoumise sert à « opérer une double rupture, contre l’expulsion du peuple de la gestion des questions de sécurité et de défense, et contre la précarisation généralisée de la jeunesse ». Obligatoire, ce service « devra être considéré comme une œuvre de solidarité avec la nation » pour que les jeunes de 18 à 25 ans se « réalisent eux-mêmes », à 25 % d’entre eux de manière militaire, le reste de manière civile, sur la base du volontariat. Hormis des organisations pour « réparer l’environnement » et des associations d’intérêt général, les missions civiles s’organiseraient plutôt autour de la sécurité, dans « la police de proximité, la sécurité civile, les sapeurs-pompiers ou l’Office national des forêts ».

En plus de ces activités, un « important volet d’éducation civique et de formation » sera enseigné, avec notamment la formation gratuite à la conduite, et le passage de l’examen du permis de conduire, du brevet de secourisme et de natation. Les jeunes seront aussi payés à hauteur du Smic. « Cette rémunération engendre des frais, bien sûr, mais cela fait partie d’une politique keynésienne réinjectée ensuite dans l’économie », explique Djordje Kuzmanovic.

Les jeunes pourront alors intégrer s’ils le souhaitent une « garde nationale renouvelée », qui remplacera le dispositif actuel constitué uniquement d’anciens professionnels de l’armée, de la police et de la gendarmerie. Elle serait mobilisable pour plusieurs cas : crise sécuritaire, sûreté civile, protection de lieux.

Indépendance nationale, diplomatie internationaliste

Pour Jean-Luc Mélenchon, promouvoir la paix passe forcément par la sortie de l’Otan, qui est selon lui responsable des « menaces à l’est de l’Europe ». À plusieurs reprises, il a critiqué le poids de la politique américaine sur les souverainetés européennes. Cette mesure le distingue d’ailleurs de Benoît Hamon, qui souhaite rester dans l’organisation créée durant la guerre froide, et créer une Europe de la défense, « soit la guerre avec les Russes », raille son concurrent.

Le candidat souhaite aussi mettre en œuvre une « diplomatie internationaliste » qui s’articulerait autour de l’espace méditerranéen (lutte commune contre la pollution de la mer, réseau d’universités, organisme de sécurité civile), l’Afrique francophone (promotion de l’autosuffisance alimentaire, révision des accords militaires, fin du soutien aux dictatures) et la solidarité comme priorité (renforcement de l’aide pour le développement, accordée davantage aux pays les moins avancés, création d’un fonds d’urgence sociale).

La France resterait-elle isolée après sa sortie de l’Otan ? Pas vraiment, puisque le leader des Insoumis veut créer une alliance géopolitique avec les Brics. C’est d’ailleurs, avec les critiques contre l’Otan et le quinquennat de François Hollande, un des seuls moments où Mélenchon a abordé la question de la Russie. L’action militaire de Vladimir Poutine dans la région du Donbass (l’est ukrainien), et l’annexion de la Crimée, ont été soigneusement évitées. Tout comme l’intervention en Syrie. Des sujets de vives controverses.

Politique
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