Quelle majorité pour Macron ?

Entre un PS plus divisé que jamais et une droite prête à en découdre, sa capacité à établir une base stable est incertaine.

Nadia Sweeny  • 26 avril 2017 abonné·es
Quelle majorité pour Macron ?
© photo : Eric FEFERBERG/AFP

Arrivé en tête du premier tour de la présidentielle, Emmanuel Macron a évoqué, dès sa victoire, une « majorité parlementaire à construire dès demain ». Partant de rien, la tâche est rude. L’ancien ministre de l’Économie l’affirme pourtant : il y aura bien 577 investis aux couleurs d’En marche ! aux législatives.

L’appel à candidatures a été lancé en début d’année et la publication des nominations devait se faire par vagues successives, mais la virulence des oppositions entre pressentis a reporté l’annonce à « l’issue du second tour, dans le lancement de la campagne législative », d’après Jean-Paul Delevoye, ancien ministre de Jacques Chirac et président de la commission d’investiture d’En marche !. Neuf membres de cette commission travaillent d’arrache-pied sur les 14 000 demandes enregistrées : profil du prétendant, sociologie de la circonscription, situation politique et avis de l’élu local. Le choix est cornélien et stratégique. D’autant que, prônant le « renouveau des visages », Emmanuel Macron a exigé que la moitié de ces candidats soit issue de la société civile ; l’autre, des partis politiques classiques.

De la société civile, seuls quatorze noms ont été révélés début avril. Leurs circonscriptions, jaugées à l’aune des difficultés des députés sortants, sont principalement socialistes – dont celle de Jean-Christophe Cambadélis (secrétaire général du PS), confronté à Mounir Mahjoubi, responsable de la campagne numérique du candidat Hollande en 2012, ou de Christophe Borgel, « M. Primaire », élu avec un résultat serré face au candidat de droite. Sur les autres territoires désignés, soit les députés implantés de longue date ne se représentent plus, soit les candidats ont donné leurs voix à Emmanuel Macron ou n’ont pas fait campagne pour Benoît Hamon, donnant le bâton pour se faire battre. Soit encore, les divisions locales ouvrent une brèche à un candidat peu connu. Des circonscriptions gagnables pour Emmanuel Macron qui, depuis les résultats du premier tour de la présidentielle, détient une carte détaillée des territoires dans lesquels il a submergé ses adversaires : principalement sur les terres du PS.

C’est le cas de la Manche, fief de Bernard Cazeneuve, appelé par les socialistes à prendre la tête de la campagne des législatives. La bataille va être épique pour l’actuel Premier ministre : non seulement le parti au gouvernement, très affaibli par les scores désastreux de Benoît Hamon, se voit concurrencé sur ses territoires fragiles, mais nombre de ses forces élues – et les financements qui en découlent – se font « aspirer » par la vague macronienne.

Sur la moitié des investis au nom d’En marche ! réservée aux politiques, Emmanuel Macron a ouvert un tiers des sièges à des élus PS, un tiers pour Les Républicains ou UDI, alors que 96 places seraient déjà attribuées à des élus centristes, à la suite de l’accord signé avec François Bayrou.

Pour l’heure, les parlementaires socialistes – souvent exclus du PS dans la foulée – se bousculent au portillon et pourraient se retrouver opposés à de nouveaux candidats… socialistes, les 11 et 18 juin. Mais cette multiplicité des candidatures risque d’anéantir les capacités d’En marche ! à atteindre le second tour – en cause : le plancher des 12,5 % nécessaire – et pourrait entraîner des accords d’appareil, pourtant honnis par Emmanuel Macron.

D’autant qu’En marche ! ne peut compter sur d’amples divisions à droite, dont le socle parlementaire est plus solide. Les ténors LR et UDI ont annoncé de concert une « mobilisation générale » en vue des législatives, déterminés à imposer ainsi une cohabitation au Président élu.

Mais, là aussi, la droite doit dépasser ses désaccords, notamment vis-à-vis de l’attitude à tenir face au FN – en tête dans 86 circonscriptions – mais aussi surmonter des actions « kamikazes », comme celle de Jean-Christophe Fromantin – député-maire de Neuilly-sur-Seine et soutien indéfectible de François Fillon – qui veut présenter des candidatures issues de la société civile de droite et du centre sous l’étiquette « 577 pour la France », piétinant les plates-bandes d’élus LR.

De ces divisions, Emmanuel Macron pourrait récupérer quelques égarés, mais son « gloubi-boulga » parlementaire risque d’être un concentré de centre-droit, d’anciens PS et d’élus inexpérimentés, compliqué à faire « marcher » dans le même sens. Sa solution ? Imposer à ses investis la signature d’un « contrat avec la nation » pour s’assurer qu’« il n’y aura pas de frondeur » et qu’« aucun candidat investi ne pourra exprimer un désaccord avec le cœur de notre projet ». Mais l’article 27 de la Constitution est clair : « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. » Ce contrat ne s’apparentera donc qu’à une vieille tradition de discipline de vote déjà présente dans nombre de partis – dont le PS –, avec le résultat qu’on lui connaît.

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