Tchétchénie : Des homosexuels persécutés

Les autorités ultraconservatrices de cette république de la Fédération de Russie mènent depuis quelques semaines une campagne de lynchage des homosexuels.

Donia Ismail  • 8 mai 2017
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Tchétchénie : Des homosexuels persécutés
© Photo : Ramzan Kadyrov, président de la Tchétchénie, et le ministre de l’Intérieur tchétchène Alkhanov, à Grozny, le 27 mars 2017 (Said Tzarnaev / Sputnik)

Le 2 mai, Angela Merkel, au cours d’une rencontre officielle avec Vladimir Poutine à Sotchi, a exigé des réponses concrètes sur les campagnes de lynchage de la communauté homosexuelle menées par la Tchétchénie. Le président russe a rétorqué en affirmant qu’une enquête était en cours. On peut hélas prédire que les résultats ménageront très certainement l’allié de Poutine.

Depuis plusieurs semaines, des journalistes indépendants russes dénoncent une campagne d’extermination qui vise la communauté homosexuelle tchétchène. À la tête de ce pogrom, le très autoritaire dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov. Tortures, humiliations, crimes d’honneur, la situation des homosexuels s’aggrave de jours en jours sans réel sursaut international.

Des révélations chocs

Tout commence par les accusations accablantes du quotidien Novoya Gazeta qui affirme avoir découvert des prisons secrètes où seraient enfermés des homosexuels. Le porte-parole du gouvernement tchétchène a rapidement réagi en condamnant ces accusations, mais en des termes qui ont valeurs d’aveux : « Vous ne pouvez pas arrêter ou réprimer des gens qui n’existent pas dans la république. L’homosexualité n’existe pas ici. Si ces personnes existaient ici, la loi n’aurait pas à se soucier d’eux vu que leur propres parents les auraient déjà envoyés là où ils ne pourraient jamais revenir. »

Le président russe, Vladimir Poutine, s’est empressé de soutenir son allié en affirmant que si les témoins restent anonymes, c’est que les faits n’existent pas.

Mais les faits sont là. Les témoignages de rescapés se multiplient, confortant l’hypothèse de l’existence de prisons secrètes. Elena Volochine, correspondante à Moscou pour France 24, a rencontré des victimes de ces crimes : « C’est clairement une campagne d’extermination. On vise à les éliminer physiquement, on ne vise pas seulement à les faire taire. »

Dans un reportage réalisé par la journaliste, un rescapé décrit le quotidien dans ces prisons : « Ils torturent à l’électricité et privent de nourriture. Au lieu de jeter aux ordures leurs restes de nourritures, ils les jettent dans les cellules pour les voir humiliés à se repaître de leurs restes. »

Cette situation a soulevé une forte émotion sur les réseaux sociaux. En France, le hashtag #TchétchénieURGENCE a été un moment le plus utilisé sur Twitter. Suscitant à son tour de nombreuses réactions, notamment de candidats à la présidentielle : Jean-Luc Mélenchon ou encore Emmanuel Macron ont souhaité s’exprimer à ce sujet durant leurs meetings. Silence radio en revanche au Front national.

La seule solution est la communauté internationale. « Ces jeunes-là ont besoin de visas, de quitter la Russie, d’être protégé », martèle Elena Volochine. Amnesty International a lancé sur son site une pétition afin de mettre fin à cette traque inhumaine.

La Tchétchénie est une république de la Fédération de Russie, totalement inféodée au Kremlin. Le dictateur Ramzan Kadyrov a succédé à son père Akhmad Kadirov, qui avait été mis en place par Moscou après l’écrasement de la rébellion en 2001-2002.

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