Danièle Obono et les fromages blancs

Elle est « bizarre » cette Danièle Obono, incapable de crier sur commande sa reconnaissance éternelle à ce pays non machiste, non post-colonialiste et si ouvert à l’Autre !

Christophe Kantcheff  • 28 juin 2017
Partager :
Danièle Obono et les fromages blancs
© photo : GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

A vec votre parcours et être devenue députée (sic)_, vous dites “Vive la France” ? »_ C’est dans ce sabir de Français de souche que l’un des deux animateurs des « Grandes Gueules » sur RMC, Alain Marschall, interpelle Danièle Obono, ce 21 juin, juste après lui avoir reproché d’avoir signé en 2010 une pétition défendant le droit d’intituler une chanson Nique la France. « Vous ne pouvez pas dire “Vive la France” ? », insiste-t-il, lui qui, plus tard, niera avoir usé du ton de l’injonction. La nouvelle élue France insoumise de la 17e circonscription de Paris, qui s’étonne de devoir ainsi clamer « Vive la France ! » en sautant comme un cabri, n’est pas au bout de ses peines.

Une de ces « grandes gueules » bien de chez nous, dont la présence justifie le titre de l’émission, Johnny Blanc, fromager de son état, brame soudain dans le micro : « Vous avez plus facile (sic) à soutenir “Nique la France” que de dire “Vive la France”. Pour une députée de la République, cela me paraît bizarre ! » Et si, à ce spécialiste de la fermentation, personne ne lance : « Camembert ! », c’est parce que, dans le studio, tout le monde est d’accord avec lui. Eh oui, elle est « bizarre » cette Danièle Obono, avec ses origines gabonaises et sa peau noire, incapable de crier sur commande sa reconnaissance éternelle à ce pays non machiste, non post-colonialiste et si ouvert à l’Autre ! Et voilà le scandale lancé via la fachosphère, repris par Le Figaro et quelques consciences morales, tels Thierry Mariani ou Jean-Michel Aphatie…

Tous rendent hommage aux « Grandes Gueules » de RMC qui font advenir la vérité grâce à leur « liberté » de parole. Celle qui leur a valu d’être précédemment rappelés à l’ordre par le CSA, notamment pour des propos islamophobes, ou misogynes au sujet de Nafissatou Diallo. En 2013, Alain Marschall déclarait dans une interview : « Nous combattons tout ce qui peut ressembler à des idées reçues. […] Nous ne voulons surtout pas qu’on nous colle d’étiquette, cela stériliserait d’entrée le débat. » C’est promis : nous ne vous qualifierons pas de racistes, cela gèlerait la sensibilité de vos échanges. En revanche, je brûle de vous demander de manifester votre gratitude envers cette grande patrie qui vous a généreusement accueillie. Un pays fascinant et – vous en êtes la preuve – sans limites. Allez, dites : « Vive la connerie ! »

Culture
Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Palais de la découverte : la culture scientifique dans la ligne de mire du gouvernement
Science 25 juin 2025

Palais de la découverte : la culture scientifique dans la ligne de mire du gouvernement

L’emblématique musée scientifique parisien est au cœur d’une crise, après le report de sa réouverture, initialement prévue pour le 11 juin 2025. Les attaques contre le secteur culturel se multiplient, sans épargner la culture scientifique.
Par Thomas Lefèvre
« Comme la classe moyenne, le cirque se paupérise »
Entretien 25 juin 2025 abonné·es

« Comme la classe moyenne, le cirque se paupérise »

Jongleur, metteur en scène et directeur du Sirque à Nexon, dans le Limousin, Martin Palisse alerte sur l’effondrement de soixante ans de structuration de son champ artistique. Il en appelle à une réflexion sur les modèles de production.
Par Anaïs Heluin
Austérité : le spectacle vivant entre peurs et résistances
Enquête 25 juin 2025 abonné·es

Austérité : le spectacle vivant entre peurs et résistances

Dans un contexte de coupes budgétaires sévères de la part de l’État et des collectivités territoriales, nombre de comédiens, musiciens, circassiens, etc. doivent réduire leurs activités. Ils alertent sur l’urgence de défendre la notion de service public de la culture, menacée de disparition.
Par Anaïs Heluin
Danse : Mathilde Monnier, l’art du partage
Danse 25 juin 2025 abonné·es

Danse : Mathilde Monnier, l’art du partage

La grande figure de la danse contemporaine présente Territoires à Montpellier Danse puis s’engage ensuite dans Transmission impossible au Festival d’Avignon. Deux projets collectifs ­vecteurs d’une forme très vivante de pédagogie.
Par Jérôme Provençal