Dette grecque : le supplice continue

Réunis jeudi à Luxembourg, les membres de l’Eurogroupe et le FMI ont lâché quelques promesses, mais rien qui soulage une population écrasée par les mesures d’austérité.

Denis Sieffert  • 16 juin 2017
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Dette grecque : le supplice continue
© photo : Alexandros Michailidis / SOOC

Avec la crise grecque, l’absurde est toujours au rendez-vous. L’Eurogroupe a bien accepté, jeudi, de débloquer 8,5 milliards d’euros présentés comme une sorte de récompense après les terribles restrictions une nouvelle fois imposées à la population. Mais 6,9 milliards devront être consacrés au remboursement de la fameuse dette que les créanciers d’Athènes ne veulent pas annuler. 

On a là tout le cercle vicieux qui empêche la Grèce de sortir du marasme. Une grande partie de l’aide ira directement dans les caisses de la Banque centrale européenne. Et il s’en est fallu de peu que la somme promise ne soit pas versée. Les Européens exigeaient en effet la participation du Fonds monétaire international (FMI). Celui-ci a finalement accepté de « participer », mais sans verser un euro, en donnant son « accord de principe » à un versement futur. Mais cet accord est lui-même conditionné à l’assurance d’un allègement de la dette grecque. 

Curieusement, le FMI est l’institution la plus active dans sa demande de réduction de la dette. Non par philanthropie, mais parce que, selon ses statuts, le Fonds ne peut aider qu’un pays dont la dette est réalistement remboursable. Cette condition ne peut être remplie que si la dette est allégée.

Poker menteur

Le Fonds se heurte toujours à l’intransigeance de l’Allemagne dont le ministre des Finances, Wolfgang Schaüble ne veut pas entendre parler de restructuration de la dette grecque. Et aujourd’hui moins que jamais, alors que l’Allemagne est à la veille des élections fédérales du mois de septembre. Le procédé dit « d’accord de principe », qui a permis au FMI de s’engager sans payer a été possible grâce à la promesse des Européens, et donc de l’Allemagne, d’envisager un allègement de la dette en 2018. Ce qui ressemble un peu à un poker menteur. 

Chacun promet, mais personne ne peut dire ce qu’il adviendra de ces promesses. Encore faut-il préciser ce que les Européens entendent par « allègement ». Pas question en tout cas d’annulation de la dette. Il ne s’agirait en fait que d’une réduction des taux d’intérêt et d’un rééchelonnement du remboursement sur quinze années supplémentaires. 

La France, qui joue les bons apôtres, a proposé que le rythme de remboursement soit indexé sur la croissance. On voit qu’en dépit de quelques concessions de forme, les Européens, menés par l’Allemagne, ne lâchent rien. Tout juste des déclarations d’intention. Pendant ce temps-là, les Grecs crèvent sous les plans d’austérité. Pour obtenir une nouvelle tranche d’aide, le gouvernement Tsipras a dû accepter une économie supplémentaire de 5 milliards d’euros à partir de 2019. Athènes n’en n’a pas fini avec le supplice de la dette.

Monde
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