Catalogne : « L’Union européenne doit être un médiateur »

Pour Florent Marcellesi, eurodéputé, membre du parti Equo, affilié au Parti vert européen, la crise catalane est un problème européen qui fait écho à d’autres mouvements indépendantistes. L’UE doit aider à renouer le dialogue.

Malika Butzbach  • 4 octobre 2017 abonné·es
Catalogne : « L’Union européenne doit être un médiateur »
© photo : Javier Luengo / Sputnik/AFP

Après le référendum du 1er octobre, quel rôle doit jouer l’Union européenne dans la question catalane ? Pour Florent Marcellesi, l’UE doit sortir de son immobilisme et tenir lieu de médiateur entre Madrid et Barcelone. Surtout, il rappelle que cette question englobe de nombreux enjeux supranationaux.

Le référendum catalan était prévu depuis longtemps, sans que l’Union européenne n’agisse. Comment expliquez-vous cet immobilisme des institutions européennes ?

Florent Marcellesi : Les institutions se sont fondées sur une lecture très restrictive des traités européens en limitant la question catalane à des enjeux nationaux. Pourtant, l’Union a le droit d’intervenir dans des affaires internes, comme elle l’a fait en Irlande du Nord. Ils ont regardé ce qu’il se passait entre l’Espagne et la Catalogne comme une rupture d’ordre constitutionnel interne, alors qu’il s’agit d’un enjeu qui concerne l’Europe : on remet sur la table la question des frontières, des identités nationales… C’est une réponse à la désaffection des citoyens envers la politique que connaît aussi l’Union européenne. L’inaction de celle-ci s’explique également par la crainte des États membres face au phénomène régionaliste. Ils redoutent que l’épisode catalan conduise à d’autres votes indépendantistes en Europe. Or c’est ce qui pourrait se produire si l’on ne résout pas la situation catalane de manière pacifique. Il y a de nombreux conflits nationaux non résolus qui ont connu un apaisement lors de l’intégration européenne. Mais, comme en Espagne, les tensions et les ruptures réapparaissent dans un contexte de crise.

Cette rupture entre le gouvernement catalan et le gouvernement espagnol est-elle ancienne ?

Oui. Ce n’est pas quelque chose qui a brusquement surgi le 1er octobre. Le Parti populaire de Mariano Rajoy a sa part de responsabilité : ils ont tenté de supprimer de la Constitution les articles qui accordaient un statut particulier à la Catalogne et se sont fermés au dialogue sur la question du référendum. Cela a donné lieu à une fuite en avant policière et répressive lors du scrutin. De leur côté, les indépendantistes ont choisi une fuite en avant hors du cadre légal. Le sentiment d’incompréhension face à l’autre camp a grandi, ce qui explique -pourquoi, actuellement, la coexistence est rompue. Les deux bords se sont mutuellement poussés vers une radicalisation, creusant un peu plus le gouffre entre les deux pouvoirs. Avec ces fuites en avant, on est face à un conflit dont la fin est imprévisible. Ada Colau, la maire de Barcelone, a raison lorsqu’elle appelle à la démission de Mariano Rajoy : il s’est montré incapable de résoudre le conflit, c’est donc normal qu’il laisse sa place. Mais le gouvernement catalan aussi n’a pas su répondre au problème.

Dans ce contexte, quel serait le rôle de l’Union européenne ?

Pour mon parti, les Verts, nous voyons l’UE comme un médiateur, notamment à travers la Commission européenne. Il y a aussi le principe de subsidiarité : il s’agit de prendre les décisions au meilleur niveau possible. Ce principe de droit sert aussi bien à protéger la capacité d’action et de décision des États membres qu’à légitimer l’intervention de l’UE : chaque acteur a son rôle à jouer. Et là, il y a trois acteurs, pas seulement l’Union et l’État membre. D’autant que la Catalogne, comme l’Espagne, est très pro-européenne. Hors d’une logique d’indépendance ou de dépendance, il s’agit de trouver un équilibre puisque les acteurs sont interdépendants. Et la situation de la Catalogne est intéressante pour l’avenir de l’Union car elle permet de réfléchir à l’inclusion d’identités diverses dans des pays, comme l’Espagne ou la France, qui deviennent de plus en plus multiculturels.

Comment peut agir l’Union européenne ?

Il s’agit d’abord d’enquêter et de sanctionner les atteintes aux droits fondamentaux que l’on a pu constater lors du 1er octobre. Les actions policières du gouvernement espagnol sont complètement disproportionnées, et c’est le rôle de la justice européenne de trancher. Mais il faut aussi trouver une solution au conflit politique : ce n’est pas parce que les droits fondamentaux ont été violés que le projet indépendantiste est une solution à la situation du pays. Il faut donc que l’Union supervise la médiation entre le gouvernement espagnol et le gouvernement catalan pour reconstruire les ponts entre Barcelone et Madrid afin de trouver un accord. En un mot, l’Union doit faire de la diplomatie.

Florent Marcellesi Eurodéputé, membre du parti Equo, affilié au Parti vert européen.

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