Le vote de la loi anti-libertés

Voilà la loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » votée sans heurts par l’Assemblée nationale. Mais où étaient les mouvements de masse ?

Christophe Kantcheff  • 4 octobre 2017
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Le vote de la loi anti-libertés
© photo : FRANCOIS GUILLOT / AFP

À quoi reconnaît-on un « grand homme » ? À son aura, sa force visionnaire et au fait que des foules entières adhèrent sans condition à ce qu’il dit. Exemple, le « grand homme » Emmanuel Macron a affirmé après son élection : « Le projet de loi antiterroriste respectera l’État de droit et la liberté d’expression. » Et voilà la loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » votée sans heurts ce mardi par l’Assemblée nationale. Mais où étaient les mouvements de masse ? Pourquoi si peu de mobilisation quand la loi travail 2e du nom suscite légitimement tant de controverses ? S’est-on laissé bercer par le discours du « grand homme » et de ses porte-voix ? Ainsi, le ministre de l’Intérieur, déclarant en substance, tel un sinistre Bourvil sur le mode de l’eau ferrugineuse : « Le contrôle des étrangers, non ! Le contrôle des terroristes, oui ! »

Les mises en garde de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, du Défenseur des droits Jacques Toubon, de nombreuses ONG telles qu’Amnesty, Human Rights Watch, la Quadrature du Net, la Ligue des droits de l’homme, le Syndicat de la magistrature, Action Droits des musulmans, ou de grandes consciences spécialistes des libertés publiques et individuelles, tels Patrick Weil ou Henri Leclerc (qui prévient : « c’est une loi des suspects, et c’est dangereux »), n’ont pas suffi.

Même le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU a formulé des inquiétudes. L’une de ses expertes, l’Irlandaise Fionnuala Ní Aoláin, a envoyé le 22 septembre une lettre au gouvernement français où elle remettait sérieusement en cause le projet de loi. Après force argumentation et avoir souligné la nécessité de lutter contre le terrorisme, elle écrit : « Je tiens à exprimer ma profonde préoccupation quant à l’extension de sa portée et son incidence néfaste prévisible sur l’exercice du droit à la liberté et à la sécurité personnelle, du droit d’accès à la justice, à la liberté de circulation, la liberté de réunion et d’association pacifiques, la liberté d’expression et la liberté de religion ou de conviction ». La majorité En marche n’a pas cillé, Éric Ciotti et sa bande ont continué à hystériser le débat, et selon un récent sondage, 85 % des personnes interrogées estiment que cette loi améliorera leur sécurité…

Culture
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