Notre-Dame-des-Landes : rêves d’enracinement

Après l’abandon, la mobilisation du 10 février a pris les atours d’un grand carnaval bariolé, et près de 30 000 personnes ont convergé sur la ZAD.

Patrick Piro  • 13 février 2018 abonné·es
Notre-Dame-des-Landes : rêves d’enracinement
© photo : JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP

Quand les collectifs en lutte contre le projet d’aéroport ont décidé du rassemblement du 10 février sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, ils ne connaissaient pas la décision du gouvernement. Allait-on vers l’affrontement ou la liesse ? Avec l’abandon, la mobilisation, organisée la veille de mardi gras, a pris les atours d’un grand carnaval bariolé. Près de 30 000 personnes ont convergé sur la ZAD, selon des organisateurs surpris qui redoutaient une certaine désaffection, la victoire désormais acquise.

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Parmi les nouveaux venus, de nombreux sympathisants venus « pour ne pas rater ça. Il y a ici des jeunes qui n’ont jamais connu de victoire ! », souligne Michel Leclerc, résistant chevronné. Et puis quantité de militants engagés dans d’autres luttes sont venus chercher sur la ZAD des énergies solidaires.

Clou du carnaval, après des ­déambulations colorées à travers le bocage, l’embrasement d’imposantes effigies allégoriques représentant ces « grands projets inutiles et imposés » – avion, pelleteuse, ligne à haute tension, baril de déchets nucléaires, etc. « Le carnaval, c’est la fête des humbles chahutant les puissants », écrit Françoise Verchère, l’une des figures de cette lutte « qui laisse place à de nouveaux enjeux et combats, ici et ailleurs ».

Car la fête du 10 février n’est encore qu’une pause à Notre-Dame-des-Landes. Depuis que fermente l’espoir d’un abandon de l’aéroport s’est dessiné, pour les « nouveaux habitants » (vocable préféré à celui de « zadistes », qui suscite des réactions ambivalentes à l’extérieur), la perspective de s’enraciner sur la ZAD, rebaptisée « Notre-Rêve-des-Landes ». Or, si le gouvernement entend « rendre les terres à leur vocation agricole », quelle place pour les pratiques originales développées ici – maraîchage bio, petit élevage non lucratif, gestion collective des terres, etc. ? Les militants voient poindre avec préoccupation les appétits d’exploitants conventionnels désireux d’agrandir leurs parcelles. Et quid des expérimentations non agricoles – habitat alternatif, projets culturels, activités artisanales ?

Mais, avant d’affronter la préfecture, la « lutte » devra gérer un conflit né de la chute du projet : une minorité de nouveaux habitants entend ne rien céder à l’État, considérant comme une trahison la remise en état rapide, par les bras locaux, de la « route des chicanes », cette D281 truffée d’obstacles qui symbolisait la résistance à la moderne « Babylone ». Certains d’entre eux auraient suscité l’arrivée, samedi dernier, de membres radicaux prêts à soutenir leur point de vue.

Écologie
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