À Paris, la jeunesse « contre Macron et son monde »

Des lycéens et étudiants ont manifesté hier dès le matin à Paris, avant de rejoindre les cheminots. Entre révolte contre la loi Vidal et soutien au service public, ils étaient nombreux dans les rues de Paris.

Alexandra Scappaticci  • 22 mars 2018 abonné·es
À Paris, la jeunesse « contre Macron et son monde »
Manifestation non déclarée, le 22 mars, boulevard Voltaire.
© Michel Soudais.

Place de la nation, 11 heures. Environ 500 lycéens et étudiants se sont donné rendez-vous pour une manifestation (non déclarée) « contre Macron et son monde ». Un important dispositif policier – 15 fourgons et un bus de CRS – les attendait sur le boulevard Voltaire, entre la rue de Montreuil et la place.

Massivement vêtus de noir et masqués, les jeunes manifestants ont avancé sur le boulevard en scandant « Anti / anticapitaliste ! » et « Tout le monde déteste la police », brandissant des banderoles mentionnant « Un présent plus qu’imparfait, un futur plus qu’incertain », ou « Non à la sélection ». En ligne de mire, notamment, la récente refonte du système d’accès à l’université mise en place par la loi Vidal et le fonctionnement de la nouvelle plateforme Parcoursup. Cette loi sur « l’orientation et la réussite des étudiants », adoptée le 15 février, repose sur une sélection qui ne dit pas son nom.

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Elle a déclenché la colère des lycéens et étudiants, entraînant depuis des manifestations à travers toute la France et le blocage de plusieurs établissements.

Ce 22 mars, 13 établissements scolaires parisiens sont « perturbés », selon le rectorat. Pour Paul, 17 ans, en terminal au lycée Victor Hugo bloqué pour la journée, venir manifester était important :

Il y a déjà des filières sélectives qui fonctionnent, comme les prépas, les doubles cursus… Il faut aussi que les gens qui n’ont pas les moyens de réussir au lycée, pour tout un tas de raisons, aient au moins la chance d’aller à la fac.

Stéphane, professeur de sociologie à Nanterre, soutient les étudiants : « C’est une réforme qui porte une vision déplorable de ce que doit être l’étudiant, l’individu même. L’université doit rester un lieu ouvert, un accès libre aux ressources intellectuelles. À cet âge et dans un monde profondément incertain, c’est normal d’être dans la confusion. »

Étudiants solidaires

Loin de se focaliser sur le problème des étudiants, les jeunes manifestants soutiennent la lutte des cheminots et celle des fonctionnaires, et plus largement le service public. Ils s’inquiètent du futur de leur pays dessiné par les réformes du gouvernement Macron. Le traitement « inhumain » des réfugiés par le ministère de l’Intérieur revient aussi beaucoup dans les conversations : « Quand il y a eu la grande vague de froid, des étudiants ont tenté, sur le modèle de Paris VIII, de s’installer dans des locaux vides avec des réfugiés. La fac a appelé les flics et les a autorisés à rentrer pour les déloger. C’est scandaleux de laisser des gens mourir de froid devant des bâtiments vides »_, s’étrangle Léo, 23 ans, étudiant en lettre à la Sorbonne. Les intrusions récentes de policiers au sein d’université, comme à Bordeaux, ravivent un peu plus les crispations.

Selon Jim, 23 ans, étudiant en histoire à Paris 1 : « Macron organise une attaque frontale contre l’ensemble de la société, contre nos acquis sociaux. La manif de ce matin, tenue par le courant anarchiste, c’est vraiment l’expression de la colère. » Une partie des participants avaient effectivement envie d’en découdre avec les forces de police. Peu avant midi, des projectiles variés ont été lancés par les manifestants, qui ont aussi « relooké » à coup de pierres et de graffitis quelques banques et panneaux publicitaires au passage.

La police a tout d’abord reculé, avant de répliquer à grand renfort de gaz lacrymo. Puis sept fourgons de gendarmerie sont arrivés en renfort. Un cordon de CRS et un cordon de gendarmes mobiles ont ensuite tenté de prendre en sandwich les manifestants au niveau de la rue Léon-Frot. Ces derniers se sont éparpillés dans les rues transversales, laissant place à une scène cocasse où CRS et gendarmes se faisaient face, sur un boulevard Voltaire totalement déserté.

Débordements contre « violence d’État »

Pour beaucoup de ces jeunes rencontrés, la plupart pacifistes, la première violence, c’est celle de l’État : la casse du service public, du droit du travail, le néolibéralisme à outrance, la mise en concurrence des personnes, le profit sans morale, le racisme, les violences policières, le toujours plus pour les riches, c’est une violence envers les citoyens. Pour Garance, 18 ans, étudiante à Sciences Po, cette rage remonte aux manifestations de 2016 contre la loi travail : « Au départ, on n’était pas du tout agressifs et en on en a pris plein la gueule. Ça a créé une profonde colère. »

La tension était moins palpable sur le boulevard Magenta où ont afflué en nombre bien plus important les étudiants et lycéens, dont une partie, en tête du cortège des cheminots, scandait « Paris, soulève-toi ! ». Des débordements (vitrines brisées, véhicule incendié, heurts avec les forces de l’ordre) ont toutefois émaillé la fin de la manifestation, vers Bastille.

Pour le cinquantenaire de Mai 68, certains rêvent déjà d’une reconstitution « grandeur nature »…

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