Parcoursup pénalise les retardataires, les filles et le service public

Vœux incomplets et renforcement de la socialisation genrée : la plateforme poursuit son entreprise de sélection par l’exclusion.

Ingrid Merckx  • 13 mars 2018 abonné·es
Parcoursup pénalise les retardataires, les filles et le service public
© photo : THIERRY THOREL / CROWDSPARK

Les lycéens de terminale avaient jusqu’à aujourd’hui 13 mars pour renseigner Parcoursup. Non seulement le gouvernement a maintenu cette plateforme d’entrée à l’université décriée depuis son lancement officiel le 15 janvier dernier, mais il n’a pas levé le décret d’application autorisant l’exclusion des retardataires. Ainsi, un élève qui n’aurait pas terminé de répondre à l’un de ses vœux dans les délais – allant d’une semaine à 24 heures – verrait tous ses vœux annulés.

Des dizaines de milliers de jeunes risquent de voir leur accès à l’université empêché. Le Conseil supérieur de l’éducation a rejeté ce décret le 5 mars. L’Unef a porté des amendements. Mais le gouvernement est passé outre. En amont, les enseignants du secondaire ont peiné à accompagner les élèves dans l’utilisation de la plateforme. En aval, les enseignants du supérieur s’inquiètent des modalités de traitement des dossiers. À tel point qu’un nombre croissant décident de ne pas participer à la mise en place de la loi ORE, relative à l’orientation et à la réussite des étudiants.

Un mouvement de désobéissance s’installe « pour ne pas compromettre notre éthique de service public », avertit l’association des Sociologues enseignant.e.s du supérieur (Ases). Deux nouvelles journées de mobilisation sont prévues les 15 et 22 mars.

Parcoursup pourrait également renforcer la socialisation genrée, alertent trois sociologues, Fanny Bugeja-Bloch, Marie-Paule Couto et Marianne Blanchard, dans une tribune parue dans Le Monde le 26 février. Les filles représentent près de 60 % des étudiants du supérieur, mais elles ne sont que 42 % dans les filières sélectives et 22 % dans les grandes écoles scientifiques. En revanche, elles sont 85 % dans les filières paramédicales et sociales, et 70 % en lettres et sciences humaines.

Ces inégalités vont être accentuées par les « attendus purement subjectifs » de la plateforme : « Pour les candidats en psychologie à l’université de Nanterre (plus de 80 % de filles), il est attendu que les élèves disposent “de qualités humaines, d’empathie, de bienveillance et d’écoute”, généralement peu valorisées chez les garçons. Inversement, en sciences de l’ingénieur (plus de 80 % de garçons en sciences et techniques), ce sont des capacités “d’abstraction, de logique et de modélisation” qui sont demandées… qualités davantage attribuées aux garçons », expliquent les sociologues. La loi ORE pourrait même favoriser l’auto-exclusion des filles « dans la mesure où celle-ci exige des étudiants qu’ils/elles visent des formations “à leur portée” ». Ou dont on leur a dit qu’elles l’étaient…

Société Éducation
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