Oscar, mineur étranger isolé : « Un policier a déchiré mon acte de naissance »

Oscar, 16 ans, n’a pas été reconnu comme mineur isolé et a été refoulé en Italie, d’où il venait. Récit.

Vanina Delmas  • 4 avril 2018 abonné·es
Oscar, mineur étranger isolé : « Un policier a déchiré mon acte de naissance »
© photo : Vanina Delmas

Oscar ne veut pas manger et refuse avec douceur un café ou un chocolat chaud. Il grelotte. Sa doudoune noire ne le réchauffe pas suffisamment. La tristesse se lit sur son visage, la colère aussi. Arrêté par la police française à Menton le vendredi 30 mars au soir, il ne ressort du poste de frontière que le lendemain matin vers 8 heures. L’adolescent a passé la nuit avec dix-huit autres hommes, tous enfermés dans la même salle glaciale, sans recevoir aucune nourriture ni bouteille d’eau. « J’ai demandé de l’eau, ils m’ont dit de boire au lavabo », glisse Oscar, épuisé.

Le jeune Ivoirien sort son formulaire de refus d’entrée et répète : « Ils se sont trompés sur ma date de naissance ! » Oscar affirme être né le « 30 du douzième mois de 2002 ». Il n’aurait même pas 16 ans. Son refus d’entrée indique le 1er février 2000. Pourtant, il détenait la preuve écrite de son âge. « Le premier agent a pris mon acte de naissance et l’a regardé. Il m’a demandé ma date de naissance pour vérifier si c’était pareil, puis me l’a rendu. Un autre policier l’a pris et l’a déchiré sous mes yeux. Je n’ai pas eu le temps de dire quoi que ce soit. Il m’a attrapé, m’a mis dans la salle avec les autres et a fermé à clé. C’était un agent de police, je n’ai pas voulu résister. »

Dernier espoir : un responsable d’une association où Oscar était installé à Palerme (Sicile) possède une photocopie du précieux papier d’identité. L’adolescent n’a plus ni batterie ni unité sur son téléphone portable, alors Me Mireille Damiano lui prête le sien. Après plusieurs essais, un contact est établi avec une personne sur place qui enverra le document par mail à l’avocate.

Oscar raconte brièvement qu’il a dû fuir son pays avec son grand-père et « sa petite maman » (sa tante) pour aller au Ghana lors de la crise ivoirienne de 2010. Après les « fêtes de fin d’année 2016 », il quitte San Pedro, au sud du pays. Il traverse le Burkina Faso, le Niger, la Libye et atteint les côtes italiennes en mai dernier. Un périple de cinq mois effectué avec son ami Ange-Patrick. Celui-ci était également à la PAF de Menton, mais a été emmené ailleurs en pleine nuit, dans d’étranges circonstances. Oscar n’a pas réussi à le joindre par téléphone samedi matin. L’adolescent ne supporte plus les difficultés du quotidien dans les « campo » italiens et souhaite rester en France, même s’il est seul.

Pour Me Mireille Damiano, le cas d’Oscar incarne toutes les irrégularités fréquemment dénoncées. « Ce mineur isolé a passé toute la nuit dans un lieu privatif de liberté, il comprend juste un peu le français, son refus d’entrée présente des cases précochées, et je constate une sorte de rature sur sa date de naissance… En outre, son acte de naissance aurait été déchiré ! » Cette spécialiste du droit des étrangers compte bien engager une procédure de référé-liberté. L’espoir d’une solution immédiate a animé Oscar pendant quelques heures. Mais, comme il n’est pas reconnu mineur, aucune prise en charge ne peut être demandée. Il repasse donc la frontière, direction Vintimille. « Et maintenant ? », demande-t-il. Maintenant, il faut attendre, encore.

Pour aller plus loin…

« J’ai honte de ce que j’ai fait » : devant la justice antiterroriste, les premiers procès des Françaises de Daech rapatriées
Justice 15 décembre 2025 abonné·es

« J’ai honte de ce que j’ai fait » : devant la justice antiterroriste, les premiers procès des Françaises de Daech rapatriées

Ces Françaises ont vécu presque dix ans en Syrie. Elles sont restées dans les rangs de l’État Islamique jusqu’à la chute de l’organisation terroriste et ont ensuite été détenues pendant plusieurs années dans des camps. La France les a finalement rapatriées avec leurs enfants. Aujourd’hui, ces mères de famille comparaissent devant la cour spéciale d’assises de Paris.
Par Céline Martelet
À Mayotte, la police aux frontières expulse la mère d’un enfant en soins palliatifs
Reportage 15 décembre 2025 abonné·es

À Mayotte, la police aux frontières expulse la mère d’un enfant en soins palliatifs

Placé en soins palliatifs pour une hépatite A fulminante, N. a failli mourir seul. La raison : la police aux frontières de Mayotte avait choisi ce moment pour expulser sa mère Fatima, d’origine comorienne.
Par Christophe Decroix
Aux États-Unis, l’habit fait le trumpiste
Analyse 12 décembre 2025 abonné·es

Aux États-Unis, l’habit fait le trumpiste

Entre exaltation d’une féminité à l’ancienne, nostalgie d’une Amérique fantasmée et stratégies médiatiques, l’esthétique vestimentaire se transforme en arme politique au service du courant Maga. Les conservateurs s’en prennent jusqu’à la couleur rose d’un pull pour hommes.
Par Juliette Heinzlef
Naturalisation : des Palestiniens sous pression de la DGSI
Enquête 11 décembre 2025 abonné·es

Naturalisation : des Palestiniens sous pression de la DGSI

Convoqués par la Direction générale de la sécurité intérieure alors qu’ils demandaient la nationalité française, trois Palestiniens racontent les entretiens durant lesquels on leur a suggéré de fournir aux Renseignements des informations sur le mouvement associatif palestinien.
Par Pauline Migevant