Cannes : La critique à l’heure du gala

Les responsables du Festival de Cannes ont décidé de bouleverser le calendrier des projections, pénalisant la presse.

Christophe Kantcheff  • 3 mai 2018 abonné·es
Cannes : La critique à l’heure du gala
photo : Le délégué général, Thierry Frémaux, et le président, Pierre Lescure.
© STEPHANE DE SAKUTIN/AFP

C’est un changement qui, à l’extérieur du Festival de Cannes, dont la 71e édition s’ouvre mardi 8 mai, peut paraître bénin. Le délégué général, Thierry Frémaux, et le président, Pierre Lescure, ont décidé de modifier la grille des projections destinées aux journalistes. Depuis des décennies, celles-ci avaient lieu légèrement en avance par rapport à la projection officielle (celle de la montée des marches, en présence des équipes). C’est-à-dire que les films officiellement projetés tel soir étaient vus par la presse la veille ou le matin même. L’ordre des priorités est désormais bousculé. Les journalistes ne bénéficieront plus de ce décalage. Ils auront accès aux films en même temps que la projection officielle.

Les organisations professionnelles de journalistes, en France comme à l’étranger, ont immédiatement protesté. Cette légère avance permettait en effet aux médias audiovisuels de préparer des sujets et des interviews pour les éditions du soir, tandis que la presse écrite pouvait publier des critiques dès le lendemain matin. Ce ne sera plus possible.

« Il s’agit de redonner toute leur attractivité et tout leur éclat aux soirées de gala, s’est défendu Thierry Frémaux, lors de la conférence de presse annonçant la sélection, le 12 avril. J’ai pu lire, ici ou là, qu’il s’agissait d’empêcher que la presse s’exprime afin de protéger les films et les équipes, et aussi de se réconcilier avec l’industrie. Ce n’est pas du tout ce qui motive nos choix. »

Les réactions de la presse seraient-elles strictement corporatistes ? Voire. Dans Sélection officielle (1), le livre qu’il a fait paraître l’an dernier, Thierry Frémaux évoque « un projet sans cesse reporté : qu’à Cannes, les séances presse et les séances gala se déroulent simultanément, de sorte que les artistes n’aient plus à souffrir d’un éventuel mauvais accueil fait par la critique, avant de fouler le tapis rouge. C’est une demande récurrente des distributeurs et des producteurs : avant-première mondiale pour tout le monde et au même moment ! ».

Si cette « demande » a longtemps été repoussée par les responsables du festival, ils y ont accédé cette année. À la satisfaction des « distributeurs et des producteurs ». L’Union des producteurs de films, qui regroupe notamment EuropaCorp (Taxi 5), Studio Canal ou Films Paramount, s’est félicitée de cette décision. Or, les plus importants d’entre eux ne constituent-ils pas « l’industrie » ?

(1) Sélection officielle, Thierry Frémaux, Grasset, 2017.

Cinéma
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